Des Przewalski en Ardèche

Cheval Magazine n°539 – octobre 2016 /

przewalski

 

 

Elles sont trois juments de Przewalski, trois demi-sœurs nées au printemps 2014 au Wildnispark, un zoo près de Zurich (Suisse) et se nomment Sevis, Baikas et Olindas. « Elles sont arrivées chez nous en janvier dernier, raconte Damien Busset, le chef animalier du Zoo de Peaugres, pour reconstituer notre troupeau. » Car à Peaugres vivent déjà Passure et Papillote, deux juments de Przewalski de 11 et 14 ans qui partagent leur enclos de 8 600 m2 avec une famille de chameaux de Bactriane, une espèce elle aussi originaire des steppes d’Asie Centrale.

Mais pas question de se jeter dans le grand bain dès l’arrivée ! « Notre enclos peut se séparer en deux, explique Damien. Au départ, nous avons placé Sevis, Baikas et Olindas dans la partie la plus petite qui fait 2 700 m2. De là, elles pouvaient voir et sentir les autres mais sans contact physique. » Six semaines passent, « Passure et Papillote sont peu à peu devenues indifférentes aux pouliches, alors on a réunis les deux enclos et placé tous les animaux ensemble ». C’était sans compter un lien un peu particulier : « nos vieilles juments sont très proches du chamelon, plus proches même que ses parents ! Au contact des pouliches, elles ont adopté un comportement très agressif. Chaque fois qu’une jeune s’approchait un peu trop du bébé chameau, elle se faisait mordre ou prenait des coups de sabots. » Jusqu’au jour où l’une des pouliches a été retrouvée avec une sérieuse morsure à l’encolure. « On a alors décidé de les reséparer. Mais juste le temps que la blessure guérisse d’elle-même car il ne fallait pas que la séparation dure trop longtemps, sinon cela aurait compliqué la suite. »

Depuis la mi-mars, les cinq juments et les trois chameaux vivent à nouveau ensemble. « Clairement les plus anciennes sont les dominantes, mais les gestes agressifs sont maintenant rares, et on observe régulièrement du grooming entre toutes les juments, raconte le chef animalier. Un lien très fort persiste entre les trois pouliches. Mais le plus drôle c’est qu’elles aussi se sont prises d’affection pour le bébé chameau ! Par contre la plus jeune garde parfois ses distances, et ne veut pas toujours rejoindre le groupe au matin. On ne sait pas vraiment pourquoi. » Chaque nuit en effet, chevaux et chameaux sont placés dans la plus petite partie de l’enclos. Au matin en guise de petit déjeuner, ils y reçoivent le rebus de luzerne des girafes, « les juments adorent ça ! ». Puis vers 10h, ils sont déplacés vers le grand enclos où des granulés sont distribués. « Les gamelles sont tout près de la clôture, 4m environ séparent les animaux du public. » Le soir vers 18h, une seconde ration de granulés est distribuée, et la séparation entre les deux enclos réouverte. Dans la plus petite, les chevaux ont accès à du foin et à un abri « mais on n’a jamais vu les juments s’y protéger », précise le chef animalier. C’est que le climat de l’Ardèche est beaucoup plus agréable que celui des steppes mongoles où la température peut atteindre – 40°C l’hiver !

Si les juments se sont pas du tout perturbées par les visiteurs, pas question pour autant de les considérer comme des chevaux domestiques : « quand nous devons rentrer dans l’enclos, nous faisons très attention : cela reste des animaux sauvages, capables de se défendre en donnant des coups de sabot, voire d’attaquer si elles se sentent en danger. Heureusement jusqu’à présent nous n’avons jamais eu besoin de les manipuler », raconte Damien. En effet, depuis leur arrivée les juments n’ont nécessité aucun soin particulier. Même quand l’une d’entre elles a été blessée à l’encolure : « la blessure a guéri d’elle-même en quelques jours à peine, c’était très impressionnant ! »

Le zoo de Peaugres n’a pas vocation à faire de l’élevage, il n’accueillera donc jamais d’étalon de Przewalski. Il participe cependant activement à un programme international de réintroduction : « chaque année, le zoo de Prague (qui coordonne ce programme, ndlr), décide quels sont les chevaux qui vont retrouver la liberté en rejoignant les steppes mongoles », explique Damien. Qui sait, peut-être un jour Sevis, Baikas ou Olindas suivront-elles les traces de Paradise, qui a grandi à Peaugres, puis rejoint le zoo de Prague pour s’acclimater à un nouveau groupe, et depuis l’année dernière, galope librement dans steppes mongoles de Takhin Tal…

Émilie Gillet

→ Retour à la vie sauvage
Le cheval de Przewalski est une espèce distincte du cheval domestique : il possède une paire de chromosomes en plus et des caractéristiques morphologiques communes à d’autres équidés sauvages. Originaire des steppes d’Asie Centrale, il n’a jamais été domestiqué par l’homme. Après avoir complètement disparu à l’état sauvage au cours du 20e siècle, il est aujourd’hui l’objet d’un programme de réintroduction principalement dans les steppes mongoles. Environ 400 chevaux vivent ainsi en totale liberté, mais sous l’œil attentif des scientifiques !

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