L’hydrothérapie pour les chevaux

Hors-série Cheval Magazine n°36 avril-mai 2017 /

Les bienfaits de l’eau
Autrefois réservée aux chevaux de course, l’hydrothérapie fait de plus en plus d’adeptes dans le monde équestre. Et les applications se diversifient : récupération, rééducation, travail de fond… À chaque cheval, son protocole.

 

 

 

Si à Deauville les trotteurs vont à la plage, ce n’est pas pour la beauté du paysage mais parce que les entraîneurs le savent bien : l’eau a de multiples bienfaits sur le corps d’un athlète. Chez le cheval, le développement de l’hydrothérapie a d’abord été empirique et réservé à ceux vivant près de la mer. Aujourd’hui, des dizaines de centres en France proposent des séances ou même des séjours complets d’hydrothérapie. De quoi parle t’on au juste ?

Des effets physiologiques reconnus

Les bienfaits de l’eau viennent de ses propriétés physiques. Il y a d’abord la pression hydrostatique, celle que vous ressentez sur vos tympans lorsque vous faites de la plongée par exemple. Elle augmente avec la profondeur : à 1m sous l’eau, elle est dix fois plus importante qu’en surface. Cette compression des tissus favorise la circulation sanguine et limite l’inflammation, surtout si l’eau est fraiche (<10°C).

Deuxième effet – qui résulte du premier – la poussée d’Archimède. Souvenez-vous de vos cours de physique ! « Tout corps plongé dans un fluide subit une force verticale… », ou dit simplement : plus on s’immerge, plus on s’allège. Ainsi, un cheval de 500 kg dans l’eau jusqu’à mi-croupe ne “pèse” que 125 kg pour ses membres et ses articulations. Un effet très intéressant lorsqu’il s’agit de remettre au travail un cheval après une blessure par exemple, ou de solliciter ses muscles sans stresser ses articulations.

Enfin, la résistance de l’eau : douze fois plus visqueuse que l’air, l’eau freine les mouvements. Il est facile de s’en rendre compte en marchant dans la mer. Cette résistance nécessite plus de force musculaire pour initier un mouvement, et sollicite par ailleurs tous les groupes musculaires (extenseurs et fléchisseurs) pour le contrôler. Plus l’eau est froide et salée, plus cet effet s’accentue.

À chaque cheval, son protocole

Il y a quelques années encore, l’hydrothérapie se résumait à faire marcher les chevaux dans une piscine. Aujourd’hui, les centres les plus sérieux sont dotés d’équipements multiples (voir encadré), travaillent avec des vétérinaires, et certains disposent même de balance et d’équipements d’imagerie médicale.

« Quand un cheval arrive, notre vétérinaire établit un programme de soins personnalisé, explique Nicolas Chardot, responsable de l’hydrothérapie aux Écuries du Bien-Être (Gers). En effet, rares sont les vétérinaires extérieurs qui connaissent bien les différentes techniques d’hydrothérapie. Au Haras de Belletière (Eure), « nous faisons toujours un bilan médical complet des chevaux avant – et après – leur passage chez nous. Cela nous permet de mettre en adéquation les capacités physiques et mentales du cheval qui nous est confié et l’objectif final de la cure, explique Thierry Neuzillet. Ensuite on leur fait découvrir chaque équipement, en douceur, pour qu’ils ne soient pas surpris lorsque le travail à proprement dit commencera. »

Bon pour le corps et le moral

Le travail dans l’eau est souvent associé à la récupération après une blessure de l’appareil locomoteur. « Par rapport à un simple travail sur le plat, marcher dans l’eau soulage les articulations tout en sollicitant plus les muscles. C’est très utile pour remobiliser un cheval qui a été arrêté », décrit Nicolas Chardot. Mais l’hydrothérapie est surtout intéressante en travail de fond, en dehors de tout accident. » Ainsi, le centre gersois accueille régulièrement des trotteurs pour un travail de renforcement musculaire : « Dans le marcheur immergé, le travail est moins dur que sur la piste pour les articulations et aussi l’appareil cardio-pulmonaire. Nous faisons monter l’eau jusqu’au dessus des genoux, cela oblige les chevaux à lever leurs jambes, et renforce ainsi les muscles de leur poitrail, leur dos et des fessiers. »

Au Haras de Belletière, les chevaux viennent plusieurs semaines : « soit en amont d’une saison de compétitions ou de courses, avant de reprendre un entraînement intense, ou bien en cure de récupération active après la saison, explique Thierry Nouzillet. Le changement d’environnement et de type de travail leur fait beaucoup de bien au moral, sans perte de condition physique. Selon les besoins de chaque cheval, nous ciblons tel ou tel groupe musculaire, et pouvons monter progressivement la charge de travail pour une remise en forme optimale. On fait très attention à varier les exercices et les situations pour ne pas les blaser. »

Des solutions pour tous

Il existe relativement peu d’études scientifiques sur l’intérêt de l’hydrothérapie chez les chevaux. Mais en s’appuyant sur les connaissances importantes dans ce domaine sur l’homme athlète, et grâce à une expertise empirique des vétérinaires et entraîneurs la pratiquant chez le cheval, cette approche est désormais considérée par les professionnels comme un outil thérapeutique incontournable, mais aussi comme technique de préparation, d’entraînement et de rééducation. « On en fait pas de miracle en une semaine, insiste Nicolas Chardot. Pour qu‘un travail dans l’eau soit vraiment profitable, il faut du temps et de la régularité. De préférence avant la saison de compétition, au moins deux fois par semaine pendant un mois. »

Bien sûr, tout cela a un coût. Selon les centres, entre 40 et 60 euros par jour soins compris. « Cela peut paraître cher lorsqu’on dispose de son propre box ou d’un pré, mais par rapport à une pension complète en écurie, finalement c’est peu pour un programme complet de (re)mise en forme », estime Nicolas Chardot. Sans compter l’effet que cela peut avoir sur le moral du cheval de changer un peu d’air en entrant dans l’eau !

 

→ Des soins variés et complémentaires

S’appuyant sur les propriétés physiques de l’eau et ses bienfaits, les techniques d’hydrothérapie sont de plus en plus diversifiées. Les soins peuvent être utilisés de façon indépendante ou bien en programme complet, selon les besoins de chaque cheval. Voici les plus courants :
– bain d’eau statique ou à remous (spa), à différentes températures selon les effets voulus, avec éventuellement des oligo-éléments et des sels minéraux, et un effet d’oxygénation de l’eau
– massage au jet d’eau, à pression et température variable
– bain ou marche en eau vive (rivière, mer…)
– marcheur aquatique (piscine)
– tapis roulant immergé, avec contrôle de la vitesse du tapis, et de la hauteur et de la température d’eau
– soins en compléments : cataplasmes (boues, argiles…), tapis vibrant, técarthérapie (courant haute fréquence localisé), cryothérapie (traitement par le froid), ostéopathie…

→ Témoignages

Estelle Thevenot, coach de dressage (poney Elite)
« Pour préparer les championnats de France et d’Europe 2016, notre poney Osbourne s’est rendu régulièrement aux Écuries du Bien-Être (Gers) : chaque semaine, il a fait 30 min de marcheur immergé pour compléter le travail sur le plat, maintenir la musculature de son dos et assécher un peu ses membres, notamment faire disparaître des molettes. Grâce à cela, nous avons aussi constaté une nette amélioration au niveau de la cadence et de la régularité de sa foulée : il a gagné un point sur son pas, ce qui aurait été impossible sans ce travail dans l’eau ! Maintenant je considère que l’hydrothérapie est un complément indispensable à son entraînement à la maison. Mais c’est aussi très utile en cure de récupération : à l’automne, notre jument Hotline du Hans a été arrêtée un mois à cause d’une blessure au boulet. Après une remise au pas progressive, elle a fait une cure d’un mois d’hydrothérapie. L’eau a permis une résorption accélérée de l’œdème. »

Raphaël Cochet, cavalier de complet (CCE***)
« Pour la 2ème année consécutive, ma jument de tête a fait une cure d’un mois au Haras de Belletière (Eure) après la saison de compétitions. C’est une jument très stressée, la compétition lui coûte beaucoup en énergie et en moral. Là-bas, elle se refait une santé et se change les idées. Elle parvient même à reprendre 30 à 50 kg, essentiellement du muscle. Paddock, rivière, marcheur immergé… Cette cure d’hydrothérapie, c’est un vrai plus pour elle ! Nous avons aussi envoyé une jument en récupération après une tendinite qui l’a immobilisée pendant un mois. Le travail dans l’eau a permis de garder de la mobilité et d’améliorer la guérison. Ce n’est pas miraculeux mais je crois que cela a permis de diminuer le risque de récidive. Évidemment tout cela a un coût, mais pour moi cela fait partie de la gestion d’un cheval, que l’on peut adapter en fonction de ses besoins et des objectifs que l’on a pour lui. »

→ Pour en savoir plus :
– Thèse de doctorat en médecine vétérinaire : « Intérêt de l’hydrothérapie froide dans le traitement des affections distales des membres chez le cheval » (VetAgroSup Lyon, 2014)
– Article scientifique en anglais : « Principles and Application of Hydrotherapy for Equine Athletes », paru en 2016 dans Veterinary Clinics of North America: Equine Practice

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