Hors-série Cheval Magazine n°37 – octobre 2017 /
100 questions-réponses
Extraits :
La maladie du lundi existe-t-elle vraiment ?
Oui, on appelle ça aussi un coup de sang, mais les vétérinaires préfèrent parler de rhabdomyolyse, ou de myosite paroxystique. Ce syndrome se manifeste en général après un effort important : le cheval se raidit, son rythme cardiaque s’accélère, il semble réfractaire aux mouvements, transpire de façon excessive, et surtout, il ressent une douleur importante, en particulier au niveau de l’arrière-main. L’urine est anormalement foncée : c’est le signe que les cellules musculaires sont en train de se détruire progressivement, les muscles souffrent !
« On parlait autrefois de maladie du lundi, car elle survenait après un jour de repos, le dimanche, où le cheval n’avait pas travaillé mais où sa ration était restée la même, explique le Dr Anne Couroucé, vétérinaire, Professeur à l’école Nationale Vétérinaire de Nantes (Oniris). Lorsque le cheval était remis au travail le lundi, parfois un peu brutalement, le coup de sang était inévitable. Mais aujourd’hui c’est plus rare, les cavaliers sont plus vigilants à adapter les rations de leur monture et le travail demandé. » Cependant, d’autres facteurs peuvent être à l’origine d’un coup de sang, qui peut donc survenir n’importe quel jour : « une déshydratation importante pendant le travail (à cause de la chaleur et/ou du manque d’eau), ou bien un problème respiratoire (cornage, emphysème) qui engendre une oxygénation insuffisante des muscles. Chez un cheval d’endurance, une course trop longue par rapport à ce qu’il peut supporter est aussi un facteur de risque important. »
Lorsque cela survient, « la première chose à faire à faire est d’appeler votre vétérinaire, insiste le Dr Couroucé ! Lui seul pourra confirmer le diagnostic et administrer un traitement adapté : anti-inflammatoires et/ou anti-antalgiques, perfusion pour réhydrater et éliminer les toxines et tranquillisants pour relâcher les muscles. En l’attendant, il ne faut surtout pas chercher à faire bouger le cheval, ou seulement le remettre au box s’il accepte de se déplacer. On peut éponger la sueur et mettre une couverture sur les reins pour éviter un refroidissement qui ne ferait qu’aggraver la douleur. »
Pour prévenir ces coups de sang, quelques règles à retenir : adapter le travail à l’âge et aux conditions physiques de votre cheval, en débutant toujours par échauffement et en ménageant une récupération active à la fin de la séance ; chez les jeunes chevaux ou ceux particulièrement sensibles au stress, adopter une routine de travail et respecter des horaires réguliers ; les jours de repos, la ration doit être diminuée ou une sortie au paddock organisée afin que le cheval ait une d’activité suffisante ; enfin par temps chaud, prévoir une supplémentation en électrolytes dans l’eau ou la ration pour compenser ceux perdus par la transpiration.
Certains chevaux présentent des coups de sang à répétition : on parle alors de rhabdomyolyse chronique ou récidivante, liée le plus souvent à une prédisposition génétique (défaut de régulation du calcium, maladie du stockage des polysaccharides ou PSSM, amylopectinose ou GBED chez les Quarter horse et apparentés…)
Quel est le mal du siècle chez les chevaux ?
Mal de dos, insomnie, dépression… Chez l’homme, on ne compte plus les « maladies du siècle » ! Et chez le cheval ? « La pathologie que l’on diagnostique de plus en plus souvent, c’est l’ulcère gastrique, répond le Dr Anne Couroucé, vétérinaire, Professeur à l’école Nationale Vétérinaire de Nantes (Oniris). Plusieurs raisons à cela, d’abord le mode de vie que l’on impose aux chevaux : confinement au box, isolement social, transports fréquents et/ou longs, compétitions… qui augmentent leur niveau de stress. » Et des études scientifiques ont démontré que le stress est bien un facteur de risque d’ulcère. Ensuite, il y a l’alimentation : « pour beaucoup de chevaux, les granulés sont privilégiés par rapport au fourrage. C’est oublier que les chevaux sont des herbivores ! Leur ration doit absolument comporter une part prédominante de fibres », rappelle le vétérinaire. L’estomac des chevaux est relativement petit par rapport à leur taille globale, et il ne doit jamais être vide sinon le taux d’acidité peut rapidement augmenter, ce qui majore le risque d’ulcère. D’où l’importance de distribuer le fourrage en petites quantités, réparties tout au long de la journée. « Si possible, au sol et pas à hauteur de naseaux car le cheval est un animal qui naturellement broute à terre ! On peut par exemple utiliser une bassine à foin, avec un couvercle grillagée qui empêche le cheval de manger trop vite. Ce dispositif a l’avantage de permettre de mouiller le foin, pour les chevaux sensibles à la poussière. »
L’ulcère gastrique est une atteinte de la muqueuse interne de l’estomac, à cause d’un contact prolongé avec l’acide chlorhydrique produit par l’estomac lui-même pour digérer les aliments. Le problème, c’est que les symptômes sont peu spécifiques : certains chevaux montrent une baisse de forme, une perte de poids, d’autres ont un appétit capricieux, un poil piqué, une certaine agressivité ou au contraire une apathie peut se manifester, des coliques, des grincements de dents… De fait, « l’ulcère est difficile à diagnostiquer, d’autant que les symptômes ne sont pas toujours proportionnels aux lésions, explique le Dr Couroucé. Du coup, dès qu’un cheval ne va pas bien, on a tendance à tout de suite évoquer un ulcère, et à prescrire, parfois à tort, un traitement dont le coût est important, jusqu’à 50 euros par jour ! » La vétérinaire rappelle l’importance de pratiquer un examen de diagnostic : « seule une gastroscopie (une caméra est introduite jusque dans l’estomac, ndlr) permet de confirmer la présence de lésions dans l’estomac, leur importance, et leur localisation. C’est indispensable pour adapter le traitement au mieux. » Ce traitement, dont le principe est de former des pansements gastriques et de faire baisser l’acidité dans l’estomac, est très efficace s’il est mis en œuvre rapidement. Ensuite, quelques mesures d’hygiène (réduction du stress et alimentation adaptée) doivent permettre de prévenir le risque de récidive.
Pourquoi n’existe t’il pas de jeune poulain gris ?
Dans les marais de Camargue, dans les élevages de lippizans, partout des chevaux gris clair. Mais les poulains, eux, sont alezans, bais ou noir… En effet, un cheval ne nait jamais gris : cette couleur de robe, il va l’acquérir progressivement en vieillissant.
Pour comprendre ce phénomène, il faut se pencher sur la biologie des robes, et même sur les gènes qui la contrôlent. La robe grise est due à la destruction progressive des pigments avec l’âge, l’eumélanine et la phéomélanine, qui au lieu de migrer dans les poils et les crins, restent dans la peau : ainsi un poulain nait coloré, avec une robe de base qui dépend de celles de ses parents, puis poils et crins blanchissent plus ou moins rapidement. En général, c’est vers l’âge de 4 à 5 ans qu’il devient complètement gris clair.
Cet éclaircissement est dû au gène « gris », noté G, qui est dit épistatique car son action masque celles de tous les autres gènes impliqués dans la couleur de robe. Il existe deux versions de ce gène (on parle d’allèle) :
– l’allèle Gg est récessif, il est forcément présent en deux exemplaires chez tous les chevaux qui ne sont pas gris. Il n’a aucune influence sur la robe de base.
– l’allèle GG est dominant sur tous les autres gènes impliqués dans la couleur de robe. Dès lors qu’une cheval est porteur d’au moins une copie de cet allèle, il sera forcément gris en vieillissant, et ce quels que soient les autres gènes de robe qu’il possède (agouti, extension, gènes de dilution etc…) Cet allèle étant forcément transmis par un parent, cela signifie que tout poulain gris a forcément au moins un parent gris. Et si l’on croise deux chevaux gris, il n’y a qu’une chance sur 16 que leur poulain ne devienne pas gris !
Dans la classification des robes, le gris est considéré comme une robe de base, des panachures ou des adjonctions peuvent s’ajouter : il existe ainsi des chevaux gris tobiano, des gris capé tacheté, des gris pommelé, des gris truité… Dans tous les cas, un cheval gris a toujours la peau noire, les yeux et les sabots foncés (sauf s’il a des balzanes).
*Dans chaque cellule, l’ensemble des gènes est présent en double exemplaire : une copie vient du père et l’autre copie vient de la mère.