Article paru dans « Profession sage-femme » n°257 – été 2019 /
Depuis 2016, la PMI de Paris a créé un dispositif « hors les murs » avec pour objectif d’aller sur le terrain rencontrer et suivre les femmes enceintes et les jeunes mères en situation d’extrême précarité. Une sage-femme incarne ce dispositif, Véronique Boulinguez.
« Où avez-vous dormi cette nuit ? » Invariablement, chaque consultation de Véronique Boulinguez, sage-femme à la Protection Maternelle et Infantile (PMI) de Paris, débute par cette question. Et les réponses sont plus effrayantes les unes que les autres : « dans la rue », « dans les couloirs de la gare », « par terre au sous-sol de l’hôpital T. » ou pour les plus chanceuses « au LIMA » (Lieu de mise à l’abri : dispositif mis en place conjointement par des associations, la Direction Régionale et Interdépartementale de l’Hébergement et du Logement et les Services intégrés de l’accueil et de l’orientation de la préfecture, pour une prise en charge à la nuitée uniquement). C’est que les patientes de Véronique Boulinguez ont toutes en commun d’être dans une situation d’extrême précarité, le plus souvent sans papiers, sans hébergement stable ni protection sociale. Elles sont roumaines, camerounaises, ivoiriennes… Arrivées à Paris depuis des mois ou quelques jours à peine, seules ou avec un compagnon et/ou d’un enfant en bas âge, à quelques semaines de leur terme ou bien tout juste enceintes, toutes trouvent en Véronique Boulinguez une écoute attentive. La sage-femme représente surtout une porte d’entrée dans un système médicosocial qui va tenter de les accompagner jusqu’à leur accouchement et même après.
Une PMI réactive
« Les sages-femmes de la PMI de Paris ont toujours reçu des femmes en situation de grande précarité lors de leur permanence dans les centres de PMI ou leurs consultations dans les établissements de l’Assistance Publique–Hôpitaux de Paris (AP-HP) », explique Véronique Boulinguez. Mais en 2015, un véritable coup d’accélérateur est donné : à l’occasion des États Généraux de la PMI et surtout de la mise en place du Pacte parisien de lutte contre la grande exclusion, la PMI de Paris décide de créer un poste spécifique « hors les murs » pour aller au devant de ces familles les plus précaires et travailler activement avec tous les acteurs du champ social. « La PMI a fait preuve d’une grande réactivité pour s’adapter à la situation », se félicite-t-elle. Elle qui depuis longtemps s’intéresse aux femmes précaires, et a par ailleurs effectué plusieurs missions sanitaires avec des ONG en Afrique, y voit une réelle opportunité : « Ce poste-là était fait pour moi ! » Dès l’année suivante, le dispositif hors les murs est récompensé par le prix Unicef Territoria d’or.
Quand elle a pris ses fonctions en 2016, Véronique Boulinguez a commencé par aller au devant de ces femmes : « J’ai fait beaucoup de maraudes, en suivant les associations sur le terrain, cela m’a permis aussi de rencontrer tous les acteurs de la grande précarité ». Il s’agit des UASA (Unités d’accueil des sans-abris, qui dépendant de la Mairie de Paris) et des LIMA, du Samu Social, du réseau Solipam (Solidarité Paris Maman, un réseau financé par l’ARS qui regroupe les professionnels médicaux et sociaux d’Ile de France confrontés aux mères et jeunes enfants en situation de grande précarité), de Médecins du Monde, France Terre d’Asile, Emmaüs, ADSF… En 2017 et 2018, Paris connaît des vagues d’immigration importantes, le nombre de femmes enceintes à la rue augmente dramatiquement. Le nombre de patientes adressées à la PMI « hors les murs » aussi.
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