Fondation Hippolia – newsletter #3 – octobre 2014 /
Le projet WindTest, porté par une équipe de la Fondation Hippolia grâce au soutien mécéné de la Clinique équine de Méheudin et de l’entreprise Optomed, a pour objectif d’évaluer une nouvelle méthode de diagnostic d’une pathologie respiratoire très invalidante chez le cheval. L’objectif est de pouvoir dépister la pathologie chez les plus jeunes, avant même qu’ils ne soient mis à l’entraînement.
« Le cornage est l’une des premières causes de contre-performances chez les chevaux de course et de sport, explique le Dr Antoine Lechartier, de la Clinique équine de Méheudin (Orne), partenaire du projet WindTest de la Fondation Hippolia. C’est un problème respiratoire majeur, lié à une neuropathie dégénérative. » Il s’agit d’une destruction progressive d’un nerf qui commande l’un des muscles responsables de l’ouverture du larynx, elle conduit à une hémiplégie croissante de celui-ci. Concrètement : « un cheval au repos inhale environ 60 litres d’air par minute. Durant un effort intense cela peut grimper jusqu’à 1200 litres par minute. Chez un cheval corneur, ce débit peut être réduit de 40 %. Moins d’air, c’est une moins bonne oxygénation des muscles, donc une moindre performance physique », résume le vétérinaire. Le cornage est une pathologie irréversible, qui a tendance à s’aggraver avec le temps. Dans la très grande majorité des cas, on ne connaît pas son origine. Par ailleurs, le cornage fait partie des sept vices rédhibitoires, ces maladies qui peuvent conduire à annuler la vente d’un cheval. L’enjeu d’un dépistage précoce est donc important.
Aujourd’hui, le diagnostic du cornage chez les yearlings repose essentiellement sur l’endoscopie au repos et sur l’oreille du vétérinaire ! Il écoute en effet les bruits respiratoires du cheval lorsqu’il fait un effort. « On réalise aussi une endoscopie* du larynx sur le cheval immobile pour évaluer la mobilité du cartilage du larynx. Mais parfois, par excès de prudence, cela conduit à retirer de la vente des chevaux qui pourtant ne présenteront jamais de problème », raconte le Dr Lechartier. À l’inverse, certains chevaux s’échangent pour des sommes très importantes lors des ventes de yearlings** puis sont mis à l’entraînement alors qu’ils développent par la suite un cornage, d’où une perte financière pour leur propriétaire et leur entraîneur.
Récemment des chercheurs américains ont démontré qu’une endoscopie réalisée pendant l’effort, alors que le cheval se déplace sur un tapis roulant, permet de classer les chevaux en 3 catégories : les normaux, ceux dont le larynx est complètement paralysé (cornage avéré), et toutes les situations intermédiaires. Puis, ils ont prouvé qu’une échographie réalisée juste après l’effort, en mesurant l’opacité des muscles du larynx, permet d’établir exactement la même classification des chevaux. Or ce second examen est évidemment bien plus facile à réaliser et mieux toléré par les animaux !
« L’objectif du projet WindTest est de déterminer si la réalisation d’une échographie avant même la mise à l’entraînement d’un cheval de course permet de mieux prédire le risque de cornage par la suite, en d’autres mots de dépister la pathologie avant qu’elle n’apparaisse, explique le Dr Aude Giraudet, responsable du service de médecine équine à l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort (ENVA), l’équipe de la Fondation Hippolia en charge de ce projet WindTest. Il s’agit donc d’une étude prospective, ce qui est nouveau concernant le cornage. Pour cela, on va suivre une soixantaine de pur-sang. En février dernier, tous ont été échographiés à leur arrivée à l’âge de 2 ans chez leur entraîneur à Chantilly. Ceux estimés comme à risque de cornage ont aussi passé une endoscopie à l’effort, grâce à du matériel embarqué. Ces chevaux-là seront à nouveau examinés par échographie et endoscopie à l’effort cet automne, puis au printemps et à l’automne 2015. »
Ce projet, initié par le Dr Lechartier alors qu’il était encore vétérinaire à l’ENVA, repose désormais sur les épaules du Dr Andres Losada, jeune recrue de l’équipe Hippolia de l’ENVA. Mais le Dr Lechartier y participe toujours, puisque c’est sa clinique équine, à Méheudin, qui met à disposition le matériel d’endoscopie embarqué qui permet de faire cet examen d’imagerie médicale directement sur la piste d’entraînement fréquentée par les chevaux. « Dans un deuxième temps, on aimerait mener une étude similaire sur un plus grand nombre de chevaux et ce chez un éleveur-entraîneur. Cela nous permettrait de suivre les chevaux dès leur plus jeune âge, avant même la vente des yearlings et leur débourrage », confie le Dr Lechartier.
Émilie Gillet
* Une endoscopie est un examen d’imagerie médicale dans lequel une fibre optique, au bout duquel est placé une mini caméra vidéo et son éclairage, est amené dans le corps, jusqu’à l’organe que l’on souhaite visualiser.
** Les ventes de yearlings sont des ventes aux enchères de poulains âgés de un an destinés à devenir des chevaux de course (galopeurs et trotteurs). Alors même qu’ils n’ont pas encore été débourrés, certains de ces chevaux peuvent s’échanger pour des dizaines voire des centaines de milliers d’euros !