Cheval Magazine n°385 rubrique Protection – décembre 2003
Faire renaître un grand champion, permettre à un hongre de se reproduire, ou créer plusieurs copies de son animal fétiche… L’annonce cet été de la naissance du premier clone de cheval est une véritable révolution pour le monde hippique. Reste à savoir dans quelles conditions nous sommes prêts à l’accepter…
En 1997, la naissance de la brebis Dolly, premier clone d’un mammifère, a donné le top départ à une nouvelle science de la reproduction. Il devenait en effet possible de copier à l’identique un animal adulte. Depuis, les chercheurs sont parvenus à cloner des souris, des singes, un chat… Mais le cheval leur a donné du fil à retordre. Le suspens n’a pris fin que cet été avec la naissance en Italie de Prometea, clone d’une jument Haflinger. En réussissant cet exploit, l’équipe de Cesare Galli n’a pas seulement franchi un nouvel obstacle dans la course au clonage. Parce que l’homme et le cheval entretiennent des relations très particulières, cette naissance risque aussi de bouleverser notre rapport à l’animal.
Clonage mode d’emploi
Pour faire un clone, il faut déjà choisir l’animal à copier et en récupérer une cellule somatique. En général on choisit une cellule de la peau, facile à prélever et à conserver. Il faut aussi un ovocyte. Comme il est impossible d’en obtenir plusieurs en même temps chez une jument, les chercheurs ont récupéré des ovaires à l’abattoir, qui peuvent ensuite produire un nombre suffisant d’ovocytes. L’objectif est de remplacer le noyau de l’ovocyte par celui de la cellule de l’animal original (voir schéma). Les scientifiques enlèvent d’abord les chromosomes de cet ovocyte. Il suffirait alors de prélever le noyau de la cellule somatique pour l’injecter dans l’ovocyte vidé. Mais cette opération est très délicate, et les chercheurs préfèrent plus souvent faire fusionner les deux cellules grâce à un choc électrique. On obtient ainsi un ovocyte contenant un noyau avec deux copies de chaque chromosome. Grâce à un subtil cocktail chimique de facteurs de croissance, il devient embryon.
Un troisième acteur est nécessaire : la mère porteuse, c’est-à-dire la jument dans laquelle l’embryon va pouvoir se développer jusqu’à sa naissance. C’est pendant la gestation qu’il y a le plus d’échecs, sans que l’on sache vraiment pourquoi. Un certain nombre d’embryon ne s’accrochent pas correctement à la paroi de l’utérus. Il arrive aussi que l’embryon se développe mal et cela aboutit à une fausse-couche.
Pour obtenir Prometea, l’équipe italienne a créé 841 embryons, en utilisant des cellules issues soit d’une jument Haflinger, soit d’un pur-sang arabe. Seulement 22 embryons se sont développés et 17 d’entre eux ont été implantés dans neuf mères porteuses. Pour pimenter un peu le tout, les Italiens ont décidé d’implanter dans l’utérus de la jument Haflinger son propre clone ! Et par le plus grand des hasards, seule cette gestation s’est déroulée correctement. Prometea est donc la copie de sa propre mère, ce qui en fait un individu unique dans la grande galerie des clones.
Une copie non conforme
Un clone est une sorte de jumeau différé dans le temps. Parce qu’il possède exactement les mêmes chromosomes que l’individu original, c’est une copie génétique, mais on a tort de croire que c’est une copie conforme. En effet, toutes les caractéristiques d’un individu ne sont pas définies que par ses chromosomes. Ainsi deux vaches clonées n’ont pas les mêmes taches, et dans le cas de Prometea, elle n’a pas la même liste en tête que sa mère… Au niveau cellulaire, d’autres éléments peuvent différer. Cela se passe hors du noyau, au niveau des mitochondries. Ces petits éléments de la cellule possèdent leurs propres gènes. Or, lorsqu’un animal naît par clonage, les scientifiques ne sont pas capables de contrôler l’origine des mitochondries (voir schéma). Avec le cheval, ce problème revêt un aspect particulier : « Les mitochondries fournissent l’énergie nécessaire au fonctionnement des cellules, un élément essentiel pour un cheval de sport ! Si un cheval et son clone n’ont pas les mêmes mitochondries, ils n’auront pas forcément les mêmes performances physiques », explique le généticien Axel Kahn. Récemment, des chercheurs français ont montré que chez la souris, les mitochondries pouvaient avoir une influence sur l’anatomie du cerveau, sur le développement et le vieillissement. Il y a fort à parier qu’il en soit de même chez tous les mammifères.
L’environnement dans lequel se développe un embryon est un facteur important : l’alimentation de la mère peut par exemple influencer la croissance du poulain. C’est pourquoi le choix de la mère porteuse n’est pas un détail et peut lui aussi engendrer des différences entre l’individu original et le clone. Reste ensuite toute la vie après la naissance, l’acquis, dont on sait que c’est un facteur essentiel dans le comportement du cheval. Toutes ces raisons font qu’un clone ne peut pas être la copie exacte d’un individu.
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