Dossier paru dans le Journal de l’Institut Curie n°118 – mai 2019 /
Grâce aux progrès informatiques, il est possible de générer, stocker et analyser des volumes considérables de données. De quoi permettre à la cancérologie d’entrer dans une nouvelle ère, celle de la « médecine augmentée ».
« Nous vivons une révolution numérique tirée non seulement par l’abondance de données, mais également par notre capacité à collecter, stocker et analyser les informations », déclare Xosé Fernández, directeur des data à l’Institut Curie. Avec l’avènement du numérique et les progrès informatiques, le monde de la santé est entré dans l’ère des big data. L’analyse de ces données par des programmes informatiques (ou algorithmes) associée à l’expertise des médecins est prometteuse, particulièrement dans la lutte contre le cancer où les recherches sont nombreuses. « Les capacités des ordinateurs sont quasi illimitées : ils peuvent analyser des milliards d’informations, à une vitesse considérable, et en comparant une multitude de paramètres alors que le cerveau humain ne peut guère gérer plus de 5 ou 7 variables en même temps », résume Irène Buvat, directrice d’une unité de recherche au Service hospitalier Frédéric Joliot (CEA, Orsay).
Les données, une source intarissable
En France, les données de santé bénéficient d’un écosystème unique au monde. En 2016, la loi de modernisation du système de santé a en effet créé le Système National des Données de Santé (SNDS). Il compile les données de l’Assurance Maladie, des hôpitaux, les causes de décès et des données relatives au handicap, couvrant ainsi plus de 90 % de la population française ! Le SNDS permet notamment retracer les parcours de soins des patients jusqu’à leur décès, de 2006 à aujourd’hui. L’objectif est de mettre à disposition ces données, sous le contrôle de la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL), afin de favoriser les études, recherches ou évaluation présentant un caractère d’intérêt public.
À ces vastes bases, s’ajoutent depuis quelques années des données cliniques et biologiques très détaillées, issues des dossiers médicaux des patients pris en charge dans les établissements : informations personnelles, résultats d’examens médicaux, comptes rendus chirurgicaux, protocoles thérapeutiques… Il peut aussi s’agir de données issues de programmes de recherche. Leur recueil est encadré par le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), un texte européen très protecteur transposé dans la loi française en 2018. Il stipule notamment que les personnes dont les données sont recueillies et utilisées à des fins de recherche doivent en être clairement informées, qu’elles ont un droit d’opposition à l’utilisation de leurs données pour cette recherche. Seuls les médecins en contact avec les patients ont accès aux données personnelles, tous les autres ne peuvent travailler que sur des données anonymisées. Enfin, toutes ces informations étant sensibles, elles sont stockées dans des conditions strictes de sécurité par des hébergeurs (ou data centers) certifiés par le Ministère de la Santé.
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