Septembre 2015 – Journal de l’Institut Curie n°103 /
Toutes nos cellules portent le même ADN. Pourtant elles n’en font pas toutes le même usage et ont chacune leur spécialité. C’est l’épigénétique qui, en agissant sur nos gènes , influe sur le bon fonctionnement de nos cellules… mais aussi sur leurs dérèglements. On étudie ainsi de plus en plus les liens entre épigénétique et cancers. Avec un objectif : imaginer de nouvelles thérapies.
Au cœur de chacune de nos cellules, un même patrimoine génétique composé d’environ 25 000 gènes. Et pourtant, nous sommes faits d’une incroyable variété de cellules : nerveuses, hépatiques, immunitaires, musculaires… Pourquoi de telles différences alors que ces cellules disposent toutes des mêmes informations génétiques dans leur noyau ? L’une des clés du mystère réside dans ce que l’on appelle l’épigénétique.
La génétique correspond à l’étude des gènes. Elle a connu un véritable bond en avant au tournant de l’an 2000, grâce notamment au séquençage complet du génome humain. L’illusion que tout est écrit dans notre génome est alors apparue et, avec elle, l’idée que le cancer s’explique essentiellement par des mutations génétiques. C’était sans compter sur l’épigénétique qui étudie ce qui influence et modifie les processus biochimiques par lesquels l’ADN aboutit à la fabrication de molécules (expression des gènes), qui ont un rôle dans le fonctionnement de nos cellules : « Les scientifiques connaissent et étudient l’existence des phénomènes épigénétiques chez différents espèces animales et végétales depuis plusieurs dizaines d’années, explique le Pr Wendy Brickmore, chercheuse au Medical Research Council de l’Université d’Edimbourg (Écosse) et spécialiste renommée de cette discipline. Mais c’est devenu beaucoup plus intéressant ces dernières années, notamment pour les médias, car on est désormais capable de déterminer le profil épigénétique complet de n’importe quelle cellule, saine ou malade. » S’il est bien un domaine où les recherches en épigénétique ont connu un élan incroyable, c’est celui du cancer. En l’an 2000, on comptait moins de 250 publications scientifiques sur le sujet. Dix ans plus tard, les chercheurs en publient 1500 par an ! En lançant dès 2002 un programme de recherche dédiée à cette toute jeune discipline, l’Institut Curie en a très tôt reconnu le potentiel dans la lutte contre le cancer (voir encadré Grâce à vous).