Interview paru dans Profession Sage-Femme #285 – octobre 2022 /
À une époque où le non désir d’enfant prend de l’ampleur, Frédéric Spinhirny, directeur adjoint du CHU de Tours, postule dans son livre Naître et s’engager au monde (éd. Payot, 2020) que la naissance est un acte éminemment politique et collectif, synonyme de liberté et de nouveauté. Interview
Les réflexions sur la mort sont omniprésentes dans la philosophie occidentale. Est-ce parce qu’elle est majoritairement pensée par des hommes qu’elle s’intéresse si peu à la naissance ?
C’est indéniable ! Les hommes ont dominé l’histoire de la philosophie, et la pensée est liée au corps de celui qui la produit. Au-delà de ça, comme la naissance est derrière nous, les philosophes se sont plus intéressés à ce qui est à venir, à la question de la mort et de comment s’y préparer, comme un but à notre expérience de vie.
Vous citez Hannah Arendt, une femme qui a placé la naissance au cœur de sa philosophie mais n’a pourtant pas eu d’enfant, c’est paradoxal.
C’est en effet la première philosophe femme à avoir opéré une véritable rupture dans la pensée occidentale. Et la naissance est l’un de ses sujets de prédilection, bien qu’elle-même n’a jamais eu d’enfant C’est le symbole qui l’intéresse. N’oublions pas qu’elle écrit à une époque particulière, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale et de la Shoah. Elle garde pourtant un formidable optimisme autour de l’idée de la naissance. Aujourd’hui encore ce sont essentiellement des femmes philosophes, comme Cynthia Fleury ou Corine Pelluchon qui abordent la naissance dans leurs réflexions.
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