Mars 2015 – Profession Sage-Femme /
Deux ans après son déploiement sur l’ensemble du territoire français, le PRADO se cherche encore. S’il n’est plus question de remettre en cause sa pertinence, les modalités d’organisation et surtout de transmissions des informations entre maternités et sages-femmes laissent à désirer. Des problèmes qui semblent faciles à dépasser.
« Le PRADO est un programme de l’Assurance Maladie qui répond avant tout aux attentes des femmes qui se trouvaient très seules à leur sortie de la maternité », explique Marie-Josée Keller, présidente du Conseil National de l’Ordre des Sages-femmes. Selon une enquête téléphonique commandée par L’Assurance Maladie en septembre dernier, la note attribuée au programme par les mères participantes atteint 8,8/10. Ce qui démontre donc une assez bonne satisfaction de leur part. Par ailleurs, selon une évaluation réalisée en 2013, les femmes ayant bénéficié du PRADO ont reçu près de deux visites de sages-femmes, contre 0,47 pour les autres. Le programme permet ainsi de mettre en œuvre réellement les recommandations de la HAS qui prévoit, pour les sorties standard (J+72h à 96h), deux visites de sages-femmes, dont une idéalement dans les deux jours. Mais ce que ne disent pas toutes ces enquêtes, c’est le vécu même des sages-femmes libérales : comment vivent-elles au quotidien cette nouvelle activité organisée par l’Assurance Maladie ? Quelles en sont les contraintes, ou au contraire les avantages qu’elles en retirent ? Tentative d’éclaircissement à travers le témoignage de quelques unes d’entre elles.
A chacune son organisation
Les consultations PRADO durent 45 à 90 minutes, c’est long et parfois compliqué à insérer dans le planning d’une libérale, sans compter les temps de déplacement jusqu’au domicile et le fait qu’il s’agit d’une activité en flux tendu (le premier rendez-vous doit être effectué dans les 24 à 48h après la sortie). Marion Berthier et Céline Tuttino, installées à Annecy témoignent : « Nous partageons le cabinet à deux. L’organisation est simple : chaque jour, l’une est au cabinet et l’autre en visites. Le problème, c’est qu’il n’y aucune garantie que celle qui est en extérieur aura suffisamment de rendez-vous pour remplir son planning. » Une situation comparable à Roanne, pour Madeleine Moyroud, présidente de l’Association nationale des sages-femmes libérales (ANSFL) : « nous sommes quatre au cabinet et avons organisé un roulement entre nous. Chacune à notre tour, nous faisons une semaine de PRADO, en conservant quelques plages pour notre activité individuelle. Cependant, même si la région roannaise est sous dotée en libérales, il nous arrive d’avoir des trous dans notre activité PRADO, et donc en quelque sorte d’avoir une perte d’activité… »
Comment s’organisent celles qui pratiquent en solo ? « Dès mon installation en libérale en 2013 j’ai fait du PRADO, et j’ai testé à peu près toutes les organisations possibles !, raconte Mylène Hoppe, présidente de l’Association des sages-femmes libérales de Côte d’Or. Actuellement, je passe trois demi-journées par semaine au cabinet, et le reste en visites à domicile. Sur ce temps, j’essaye de me garder toujours au moins un créneau par jour pour faire du PRADO. D’une semaine à l’autre, c’est très irrégulier. » Quant à Sophie Foucher, installée à Cherbourg et ancienne présidente de l’Union Nationale et Syndicale des Sages-Femmes (UNSSF) : « Dans la journée je suis seule au cabinet, et je me réserve des créneaux entre midi et deux et le soir après 18h pour le PRADO. » Enfin, certaines ont décidé de ne faire que du post natal, comme Christine Le Masson, installée en libéral à Lille après sa retraite de la fonction hospitalière : « Je n’ai pas de cabinet et travaille en lien avec trois maternités lilloises, ce qui m’assure un volume d’activité suffisant pour ne faire quasiment que du PRADO, même si cela ne représente pas un temps plein. De plus, j’ai acquis du matériel comme un bilirubinomètre ce qui me permet aussi d’intervenir pour les sorties précoces. »
Pour remédier à ces problèmes d’organisations, les sages-femmes appellent à une meilleure communication avec les maternités, mais aussi entre elles. Certaines évoquent même la mise en place de planning de garde en quelque sorte.