Cheval Magazine n°512 rubrique Sciences – juillet 2014
Le séquençage d’un génome de cheval datant d’il y a plus de 700 000 années apporte un nouveau regard sur l’évolution des équidés. Il repousse aussi les limites des travaux sur l’ADN préhistorique.
Grâce aux progrès de la génétique, étudier de l’ADN très ancien est devenu une des activités préférées des spécialistes de l’évolution. Désormais, les paléobiologistes ne se contentent plus de comparer des os fossilisés, ils s’intéressent aussi aux très vieux génomes. Le problème, c’est que l’ADN, au contraire des fossiles, traverse mal les âges. Bien qu’il soit niché au cœur même des cellules, protégé dans leur noyau, il se dégrade au fil du temps et devient inexploitable. On considère ainsi comme impossible l’étude d’ADN datant d’il y a plus d’un million d’années (les dinosaures ayant disparu il y a 65 millions d’années, autant dire qu’on n’est pas prêt de séquencer leur génome et de les cloner comme se plait à nous faire croire le film Jurassic Park !)
Cet été, une équipe internationale de 56 chercheurs, dirigée par Ludovic Orlando, du Centre de géogénétique du Muséum d’histoire naturelle du Danemark, a cependant réussi un exploit en annonçant le séquençage des trois quarts du génome d’un cheval datant de 560 000 à 780 000 ans ! Ce génome est dix fois plus vieux que le dernier record de séquençage qui concernait de l’ADN humain âgé d’environ 80 000 ans. Pour les paléobiologistes, c’est une avancée majeure. Et pour ceux concernés par l’histoire du cheval et de ses ancêtres, c’est carrément une petite révolution puisque cette étude double l’âge du dernier ancêtre commun de tous les équidés.
L’ancêtre commun des équidés
Ce génome d’un cheval datant du Pléistocène* moyen a été obtenu à partir d’un fragment d’os de jambe découvert en 2003 dans le permafrost* canadien, à Thistle Creek (territoire du Yukon). Le fait que cet bout d’os ait été congelé depuis des milliers d’années a certainement participé à son état de conservation exceptionnel et donc à celui de son ADN.
Pour mieux comprendre ses liens avec d’autres équidés, les chercheurs ont aussi séquencé le génome d’un cheval du Pléistocène tardif (43 000 ans) et d’un cheval de Przewalski, considéré comme le dernier représentant sauvage du genre Equus, qu’ils ont ensuite comparé avec cinq génomes de chevaux domestiques (islandais, arabe, fjord, trotteur américain et pur-sang anglais) et celui d’un âne moderne. Cela leur a permis d’estimer plusieurs paramètres quant à l’histoire de l’évolution des équidés. Premier résultat marquant : d’après ces travaux, le dernier ancêtre commun des équidés actuels daterait d’il y a 4 à 4,5 millions d’années, soit le double de ce que l’on pensait jusqu’a présent (le plus vieux fossile considéré comme faisant partie du genre Equus ayant 2 millions d’années). Cela signifie « qu’ils ont mis deux fois plus de temps pour se diversifier en ce que nous connaissons aujourd’hui comme variétés d’équidés », a déclaré Eske Willerslev, un spécialiste de l’évolution qui a participé à cette étude…/…