Un nez électronique pour dépister l’hypertension artérielle

Recherche & Santé n°148 – La revue de la Fondation pour la Recherche Médicale – octobre 2016 /

Dépister une maladie grave en analysant simplement l’air exhalé par une personne ? C’est l’objectif du Pr Marc Humbert, chef du service de pneumologie de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) et directeur de l’unité de recherche Inserm U999. Pour cela, il travaille avec son équipe à mettre au point un nez électronique capable de repérer la signature olfactive de l’hypertension pulmonaire, une maladie aussi rare que grave.

 

 

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Pourquoi un nez électronique ?

Dans le sang circulent de très nombreuses molécules qui reflètent le fonctionnement de notre organisme. Certains diagnostics de maladies sont ainsi réalisés à partir d’une simple prise de sang. Dans l’air qui ressort de nos poumons, c’est un peu la même chose : on trouve des molécules appelées composés organiques volatiles (COV) qui peuvent être caractéristiques d’une maladie. Parfois, ces COV composent même des odeurs particulières : par exemple l’haleine d’un tuberculeux sent la bière alors que celle d’un diabétique rappelle plutôt l’odeur du foin ! Mais ce n’est pas toujours le cas. Alors, pour détecter de façon fiable et reproductible les COV, des équipes de recherche travaillent à la mise au point de nez électroniques.

Pourquoi l’hypertension pulmonaire ?

L’hypertension pulmonaire résulte d’un rétrécissement progressif du diamètre des vaisseaux sanguins des poumons. Conséquences : la pression sanguine est plus élevée, le cœur s’épuise à y envoyer le sang pour qu’il soit oxygéné. À terme, c’est l’insuffisance cardiaque. Si l’hypertension pulmonaire n’est pas traitée, la survie moyenne d’un malade est estimée à moins de 5 ans. Or les symptômes de la maladie sont peu caractéristiques (essoufflement à l’effort, fatigue chronique…) et le dépistage difficile : pour mesurer la pression artérielle pulmonaire, il faut insérer un cathéter jusque dans le cœur. Une technique lourde et coûteuse, impossible à pratiquer chez toutes les personnes essoufflées ! D’où l’intérêt du nez électronique qui permettrait un dépistage plus facile et surtout précoce de la maladie.

Comment fonctionne ce nez électronique ?

Il s’agit d’un appareil contenant plusieurs centaines de nanodétecteurs capables de réagir à autant de COV, mis au point par une équipe de recherche de l’Institut Technion d’Haïfa (Israël) en collaboration avec le Pr Humbert et ses collègues chercheurs à l’Inserm. En effet, il ne suffit pas d’un seul COV pour établir un diagnostic mais bien d’une combinaison particulière de plusieurs molécules qui constitue la « signature » olfactive de la maladie.
En 2013, les chercheurs ont démontré l’efficacité de leur machine, capable de distinguer des malades et des personnes saines, et même, de discriminer les patients avec ou sans mutation du gène BMPR2 (principale cause d’hypertension pulmonaire familiale), car la signature olfactive de la maladie n’est en effet pas la même !

Où en est-on ?

En mars 2016, une vaste étude clinique prospective a été lancée afin de valider la preuve du concept. Plusieurs centaines de personnes vont être recrutées : des volontaires sains, des patients à différents stades de leur maladie, porteurs ou non de la mutation du gène BMPR2. L’objectif est notamment d’apprendre au nez à identifier précocement les sujets à risques (ceux porteurs de la mutation mais dont la maladie ne s’est pas encore déclarée). Chaque personne va souffler dans deux ballons qui seront ensuite envoyés en Israël pour être analysé par le Technion. Les premiers résultats sont attendus pour l’année 2018. « Si le nez électronique remplit les objectifs visés, il ne remplacera pas complètement le cathéter cardiaque, mais il permettra de rendre cet examen lourd moins fréquent, et servira d’outil de dépistage chez les personnes à risques », résument les chercheurs.

D’autres nez électroniques ?

Au Technion, les chercheurs travaillent depuis plusieurs années à la détection dans l’air exhalé de la signature olfactive de différents cancers (poumon, estomac…). Aux Etats-Unis et à Taïwan, plusieurs équipes développent des nez capables de « sentir » une septicémie à partir d’un échantillon sanguin (actuellement il faut plusieurs jours pour confirmer ce diagnostic, car des cultures bactériennes sont nécessaires). À l’Université de Liverpool, c’est une machine capable de diagnostiquer un cancer de la vessie en analysant les COV présents dans l’urine que l’on met au point. Pour l’instant, tous ces nez ne sont encore qu’à l’essai.

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