août 2017 – Journal de l’Institut Curie n°111
Proposer à chaque patient un traitement et un suivi spécifiques en fonction des caractéristiques moléculaires de sa tumeur : c’est l’objectif de la médecine de précision. Si cela est déjà possible pour certains cancers, les chercheurs multiplient les études afin de proposer cette approche thérapeutique au plus grand nombre, en complément des traitements « classiques ».
Distinguer, grâce à une simple analyse génétique, les cancers qui risquent de métastaser de ceux qui auront une évolution favorable. Telle est la promesse des travaux présentés par des chercheurs de l’Institut Curie, en juin dernier, lors du congrès mondial annuel de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO), dans le cadre d’un cancer rare, le synovialosarcome (lire en p. 3). Longtemps pourtant, les caractéristiques anatomiques et cliniques des cancers (localisation et taille de la tumeur, stade de développement, présence ou non de métastases…) ont été les seuls indicateurs pour choisir les traitements et évaluer les chances de guérison des patients. Mais depuis les années 2000, une nouvelle ère a débuté en cancérologie, celle de la médecine de précision. Une approche porteuse de nombreux espoirs : aujourd’hui encore, un trop grand nombre de patients atteints de cancer deviennent réfractaires aux traitements standards.
À chaque tumeur, ses caractéristiques
La médecine de précision repose sur l’analyse des caractéristiques moléculaires et génétiques des tumeurs. Au sein des cellules surviennent en effet différentes altérations génétiques et mécanismes propres à la cancérisation. Ces phénomènes, très divers, varient d’un patient à l’autre. Leurs découvertes, réalisées notamment grâce aux progrès techniques de l’analyse génétique, ont permis la mise au point de d’outils de diagnostics spécifiques et surtout de thérapies ciblées, qui visent précisément les perturbations engendrées par ces anomalies.
C’est dans le domaine du cancer du sein que la médecine de précision a fait ses premiers pas. Avec une découverte, au début des années 1990 : 15 à 20 % des cancers du sein présentent à la surface de leurs cellules des récepteurs HER2 (on parle de tumeurs HER2+) et cette caractéristique est associée à un mauvais pronostic. Quelques années plus tard, un médicament est élaboré pour bloquer précisément ces récepteurs : disponible depuis 2000, le trastuzumab a permis de faire largement progresser la prise en charge et la survie des patientes atteintes d’un cancer HER2+, qu’il soit métastatique ou à un stade plus précoce.
Autre cancer pour lequel une meilleure connaissance des mécanismes moléculaires a permis une véritable révolution thérapeutique : la leucémie myéloïde chronique. « Ce cancer se caractérise par l’existence d’un gène anormal, issu de la fusion de deux gènes, entraînant la prolifération anormale de certains globules blancs, décrit Christian Cailliot, directeur de la recherche d’UNICANCER (fédération des centres de lutte contre le cancer). Avant on mourrait très rapidement de ce cancer. Mais en 2000 un médicament spécifique a été mis au point, l’imatinib. » Aujourd’hui, le diagnostic de la leucémie myéloïde chronique repose sur la détection du gène anormal, et son traitement par l’imatinib permet à la grande majorité des malades une vie normale.