Cancers familiaux : une recherche de pointe au service du plus grand nombre

Février 2016 – Journal de l’Institut Curie n°105 – Dossier sur les cancers héréditaires /

Environ 5 % des cancers sont liés à des prédispositions familiales. Comment les identifier ? Comment prendre en charge les personnes concernées ? Peut-on prévenir le risque de développer une tumeur chez ces personnes ? Voilà les nombreuses questions auxquelles tentent de répondre les chercheurs. Et, pour y parvenir, ils ont besoin de l’aide des patients.

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Jamais une star n’aura fait autant parler du cancer ! En annonçant s’être fait enlever seins et ovaires, Angelina Jolie a braqué les projecteurs sur les cancers familiaux. Parce qu’elle est porteuse d’une mutation génétique héritée de sa mère, l’actrice américaine courrait en effet un risque très important de cancer féminin. En médiatisant son histoire personnelle, elle a contribué à sensibiliser le plus grand nombre à cette forme particulière de cancers.

« À l’origine d’une tumeur, il y a toujours une ou plusieurs anomalies génétiques, rappelle Catherine Noguès, présidente du groupe Génétique et Cancer d’Unicancer. Mais qui dit génétique ne dit pas forcément hérédité ! » Distinguer ces deux notions est crucial pour comprendre les problèmes de santé publique que posent aujourd’hui les prédispositions héréditaires aux cancers, spécialité des onco-généticiens.

Distinguer génétique et hérédité

Dans la très grande majorité des cas, un cancer apparaît lorsque, dans une cellule, une ou plusieurs mutations surviennent dans certains gènes et perturbent son fonctionnement. La cellule devient anormale et se multiplie jusqu’à former une tumeur. « Le dérèglement des gènes reste circonscrit aux cellules malades : on parle de mutation somatique », précise le Dr Noguès. Dans les cas d’une prédisposition familiale à un cancer, l’anomalie génétique se trouve dans toutes les cellules de l’organisme, dès la conception de l’embryon qui se retrouve porteur de l’anomalie et sera malheureusement exposé au développement d’un cancer une fois adulte. Elle peut aussi être présente dans les cellules qui servent à former les gamètes (spermatozoïde ou ovule), et donc se transmettre d’une génération à l’autre.

« Ces mutations touchent des gènes dont le rôle normal est de corriger certains dérèglements cellulaires. Elles ne font pas parler d’elles jusqu’au jour où, dans un tissu particulier où leur action est normalement prépondérante, un processus de cancérisation s’engage et n’est justement pas stoppé parce que ce gène de contrôle est déficient », explique le Pr Christine Lasset, de l’équipe de Prévention et épidémiologie génétique du Centre anticancer Léon Bérard (Lyon).

Des syndromes héréditaires hétérogènes

En France, les formes héréditaires concernent environ 5 % des 355 000 nouveaux cas de cancers diagnostiqués par an*. Et plus de 70 mutations génétiques ont déjà été identifiées. Il s’agit le plus souvent du syndrome touchant à la fois les seins et les ovaires, lié à des mutations des gènes BRCA, et du syndrome de Lynch qui associe des cancers colorectaux et de l’endomètre, plus rarement de l’ovaire, de l’intestin grêle, de l’estomac et des voies biliaires et urinaires : ce syndrome est notamment lié aux gènes MLH1, MSH2 et MSH6. On trouve aussi des cancers plus rares, comme certaines formes de mélanomes, des carcinomes médullaires de la thyroïde, ou certains cancers de l’enfant comme le rétinoblastome (qui touche l’œil).

« En temps normal, une femme a environ 12 % de risque de développer un cancer du sein au cours de sa vie et surtout après 50 ans. Si elle est porteuse d’une mutation sur l’un des gènes BRCA, ce risque passe à 60 % avec un diagnostic possible dès 30 ans », détaille le Pr Lasset. Bien que l’augmentation du risque soit importante, hérédité n’est pas synonyme de fatalité ! Autrement dit, une personne porteuse d’un gène de prédisposition au cancer ne tombe pas forcément malade. Pourquoi ? D’abord, parce que le développement d’une tumeur ne dépend pas d’un seul gène, mais de plusieurs, ainsi que de nombreux facteurs extérieurs. Ensuite, parce qu’il existe aujourd’hui une prise en charge très scrupuleuse de ces personnes identifiées comme à risque, qui permet un dépistage précoce de leurs tumeurs voire même, dans certains cas, une action préventive.

Repérer les familles concernées

De plus en plus de patients s’inquiètent pour leur famille : « Ma grand-mère a eu un cancer du sein, je suis concernée à mon tour. Dois-je m’inquiéter pour mes filles ? », a demandé une patiente au Dr Noguès lors d’une réunion à la Maison des Patients de l’Institut Curie (à Saint-Cloud). « Dans ma famille, il y a un cancer à chaque génération. Prostate, côlon, poumons… on a tout eu ! », a témoigné une autre. Identifier les familles concernées et prendre en charge les personnes à risque, c’est la mission des 126 consultations d’oncogénétique en France. Une mission pointue car, « lorsque plusieurs cancers surviennent dans une famille, l’hérédité n’est pas toujours en cause. Le plus souvent, la fréquence des cancers dans une même famille reflète ce que l’on observe dans la population générale : le cancer est une maladie fréquente… », tempère le Dr Noguès. Alors, comment identifier les familles réellement à risque ? Reconstituer minutieusement l’arbre généalogique d’une famille est un travail important des onco-généticiens. Le Pr Lasset explique : « Plusieurs critères nous mettent en alerte. Le nombre de cancers survenus dans la famille, pour commencer. La répétition d’un même type de cancer ou de cancers associés à un syndrome héréditaire particulier. La répétition sur plusieurs générations. Et l’âge auquel ces cancers sont diagnostiqués car on sait que les formes héréditaires surviennent souvent plus tôt dans la vie. »

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