Santé Magazine n°471 – mars 2015 /
Depuis un an, l’entreprise française Carmat teste chez l’homme une prothèse cardiaque totale. Elle présente des innovations technologiques qui pourraient redonner de l’espoir à de nombreux malades condamnés par la rareté des greffons cardiaques. Encore faut-il qu’elle fasse ses preuves.
Le 5 août au CHU de Nantes, un homme de 68 ans a été implanté avec une prothèse cardiaque totale développée par Carmat. L’entreprise française a en effet eu l’autorisation de poursuivre ses essais malgré le décès de son premier patient l’hiver dernier, 75 jours après l’opération. Etait-ce un échec ? Non, si l’on considère l’objectif principal de cette phase initiale d’essai : évaluer la survie des patients à un mois. D’ailleurs, à l’heure où nous écrivons cet article, le deuxième patient a plus que dépassé les cinq mois d’implantation.
Une rupture technologique
La prothèse de Carmat est dite “totale” car elle remplace les deux ventricules cardiaques, dont le rôle est, pour le ventricule gauche, de propulser le sang riche en oxygène dans le corps, et pour le ventricule droit, d’expulser le sang chargé en dioxyde carbone jusqu’aux poumons. Son implantation nécessite un raccordement aux oreillettes qui elles, demeurent en place. La prothèse fonctionne grâce à deux motopompes miniatures qui déplacent un liquide. Ce dernier mobilise une membrane qui reproduit le mouvement naturel de la paroi ventriculaire lors de la contraction cardiaque et met le sang en mouvement.
Remplacer les ventricules par une prothèse n’est pas nouveau, depuis 1990 plus de 1300 prothèses américaines Syncardia ont été implantées dans le monde. Mais le modèle Carmat présente des innovations majeures :
– Un encombrement minimum : le mouvement electro-hydraulique est intégré à la prothèse, alors que le système Synecardia est pneumatique, le patient transporte en permanence un compresseur à air de 6kg en bandoulière.
– Des matériaux hémocompatibles afin de ne pas provoquer la formation de caillot pouvant être à l’origine d’accidents cardiovasculaires. « Il s’agit de matériaux de synthèse connus de longue date pour leur biocompatibilité et de péricarde* de veau préparé pour ne pas provoquer de réaction immunitaire », explique le Dr Piet Jansen, directeur médical de Carmat. C’est avec ce péricarde que le Pr Carpentier a mis au point dans les années 1970 les fameuses valves cardiaques qui portent son nom, et qui sont largement utilisées dans le monde (d’ailleurs, le car- de Carmat, c’est lui !) L’objectif est de réduire, voire supprimer les traitements anti thrombotiques dont on sait qu’ils peuvent provoquer hémorragies et autres complications cardiovasculaires.
– Un rythme variable : « la prothèse renferme des capteurs qui lui permettent d’adapter son fonctionnement aux besoins physiologiques. Elle accélère comme un vrai cœur lorsque le patient marche plus vite par exemple », décrit Piet Jansen.
…/…