Santé Magazine n°462 – juin 2014
S’il existait un test fiable permettant de dépister la maladie d’Alzheimer plusieurs années avant les premiers symptômes, 90 % des Français le feraient*. Du côté des experts, les avis divergent.
OUI
PR HARALD HAMPEL, PSYCHIATRE, PROFESSEUR A L’INSTITUT DE LA MEMOIRE ET DE LA MALADIE D’ALZHEIMER (HOPITAL DE LA PITIE-SALPETRIERE, PARIS).
Aujourd’hui on diagnostique la maladie d’Alzheimer comme si on attendait la phase terminale d’un cancer pour le constater. C’est très couteux pour la Société. La dépister avant même les premiers symptômes permettrait aux patients concernés d’organiser leur vie afin de minimiser les risques et d’être pris en charge très tôt. Dans la maladie d’Alzheimer, les modifications cérébrales peuvent survenir plusieurs dizaines d’années avant les tous premiers symptômes. Une nouvelle approche thérapeutique, qui consiste notamment à stimuler le cerveau par des exercices intellectuels, pourrait contribuer à maintenir les fonctions cognitives plus longtemps. Il n’existe certes pas de médicaments pouvant freiner l’évolution de cette maladie. Mais quand ils arriveront dans 5 à 10 ans, nous devrons pouvoir identifier le plus tôt possible les patients qui en bénéficieront. Il est donc indispensable de développer des tests de dépistage de la maladie d’Alzheimer qui puissent être mis en œuvre de façon simple.
NON
DR THOMAS DE BROUCKER, CHEF DU SERVICE NEUROLOGIE DE L’HOPITAL DE ST DENIS, VICE-PRESIDENT DE LA FEDERATION FRANÇAISE DE NEUROLOGIE.
Dépister la maladie d’Alzheimer, ce serait amener de la pathologie là où il n’y en a pas. C’est identifier des personnes comme étant à risque de développer la maladie, sans aucune certitude, et alors même qu’elles ne se plaignent de rien. Or il n’existe aucun traitement qui puisse leur être proposé afin d’enrayer une éventuelle évolution de leur maladie, si elles sont bien malades. Dépister n’a donc aucun intérêt pour le patient lui-même, et cela peut même l’angoisser outre mesure. Cela n’a pas non plus d’intérêt pour la population, puisqu’il ne s’agit pas d’une maladie infectieuse où le dépistage permettrait de freiner le risque de transmission. Cela pourrait avoir éventuellement un bénéfice pour la recherche clinique, car cela donnerait la possibilité de tester l’effet de certains médicaments sur l’évolution de la maladie avant les premiers symptômes cognitifs, mais nous n’en sommes pas là actuellement. Mieux vaut donc se concentrer sur des mesures favorisant un diagnostic précoce de la maladie, quand les premiers signes apparaissent. C’est plus utile pour les patients et pour l’ensemble de la population.
UN DEPISTAGE POLEMIQUE
– Il n’existe pour l’instant aucun test fiable de dépistage de la maladie d’Alzheimer. L’identification de marqueurs sanguins, par exemple, permettrait une mise en œuvre simple par les médecins généralistes.
– En 2011, le Collège national des généralistes enseignants s’est vivement exprimé contre le dépistage de la maladie d’Alzheimer.
– Dans ses recommandations officielles, la Haute Autorité de Santé indique que « dans l’état actuel des connaissances et avec les moyens actuels du système de santé, le dépistage de la maladie d’Alzheimer ou apparentée n’est pas recommandé en population générale. »
* Sondage TNS Sofres pour l’Espace national de réflexion éthique sur la maladie d’Alzheimer « Les Français face à l’anticipation de la maladie d’Alzheimer », août 2013