Sciences & Avenir n°842 – avril 2017 /
Comment traiter le mal de dos
L’objectif principal est de diminuer les douleurs et récupérer de la mobilité. Médicaments, kinésithérapie, activité physique, chirurgie… les solutions sont multiples et doivent être adaptées au cas par cas, avec l’aide d’un professionnel de santé.
Faut-il rester au lit lorsqu’on a mal au dos ?
Non ! Si à court terme, le fait de s’allonger peut soulager la douleur, à long terme ça ne permet pas de guérir plus vite, cela peut même aggraver les symptômes. Aujourd’hui tous les spécialistes du mal de dos le reconnaissent : dans la plupart des lombalgies communes, il vaut mieux rester actif, en adaptant bien sûr son activité au niveau de douleur ressentie et avec l’aide éventuelle de médicaments antalgiques ou anti-inflammatoires. Il n’y a qu’en cas de crises aigues, de sciatique par exemple, qu’une mise au repos peut être utile, à condition qu’elle soit de courte durée (2-3 jours maximum). Et puis il n’y a pas que le lit ! D’autres positions peuvent soulager : le dos à plat contre un mur, les jambes légèrement fléchies par exemple, ou bien allongé au sol, les genoux à angle droit et les mollets reposant sur une chaise… « Lorsque vous ne faites rien, faites le bien ! », déclare ainsi une brochure sur le mal de dos rédigée par le Centre d’Évaluation et de Traitement de la Douleur de l’Hôpital Saint-Antoine (Paris).
Les anti-inflammatoires sont-ils efficaces ?
Ces médicaments combattent les mécanismes inflammatoires qui peuvent être en cause dans certaines dorsalgies, notamment lors de poussées inflammatoires d’arthrose ou de crises de sciatique. Mais ils ont aussi une action antalgique en dehors de toute inflammation, c’est pourquoi ils sont fréquemment prescrits. Néanmoins, lorsque les douleurs sont modérées et qu’elles ne sont pas soulagées par des interventions non médicamenteuses (ostéopathie, port d‘une ceinture lombaire, médecines complémentaires…), il vaut mieux privilégier les antalgiques (paracétamol, codéine voire tramadol selon le niveau de douleurs). Dans tous les cas, le traitement ne doit pas excéder quelques jours. Par ailleurs, il faut savoir que les gels anti-inflammatoires sont moins efficaces que les médicaments par voie orale, et que les gels contenant du ketoprofène peuvent être photosensibilisants (il ne faut donc pas s’exposer au soleil pendant leur utilisation et les 15 jours qui suivent).
Quand doit-on envisager des infiltrations ?
En cas de forte poussée inflammatoire liée à l’arthrose, localisée et très douloureuse, ou de crise de sciatique invalidante, qui ne seraient pas soulagées par des traitements par voie orale, des infiltrations peuvent être proposées : un anti-inflammatoire puissant, de type corticoïde, est injecté directement dans la ou les articulations ou à proximité du nerf à l’origine de la douleur. Ce geste, toujours réalisé sous contrôle radiologique, peut être effectué sous anesthésie locale, dans le cabinet d’un rhumatologue par exemple. Il apporte en général un soulagement important et rapide, mais qui ne dure que quelques semaines à quelques mois. Dans tous les cas, cela ne guérit pas l’origine même de la douleur, par exemple l’arthrose ou l’irritation liée à une hernie discale.
Faut-il aller voir un ostéopathe et/ou un kinésithérapeute ?
Les manipulations par un ostéopathe ou un chiropracteur font partie de l’arsenal thérapeutique pour traiter des douleurs d’origine mécanique, en particulier dans les lombalgies communes sans cause grave : avant toute manipulation il est impératif qu’un diagnostic précis ait été établi par un médecin (afin d’écarter toute contre-indication), et éventuellement une imagerie en cas de doute. Lorsque ces précautions sont prises, les manipulations d’un ostéopathe ou chiropracteur vont permettre notamment de détendre les muscles qui sont contracturés du fait de l’œdème de certaines articulations vertébrales. Quant aux exercices et aux mouvements réalisés sous le contrôle d’un kinésithérapeute, ils sont utiles pour réapprendre les bons mouvements, et renforcer la musculature qui soutient la colonne vertébrale. Dans tous les cas, ces interventions doivent être réalisées en dehors de tout contexte inflammatoire. Par ailleurs, elles sont contre-indiquées en cas de crise de sciatique, ou si le patient souffre d’ostéoporose ou de tumeurs osseuses.
Quels sports pratiquer pour prévenir le mal de dos ?
L’activité physique, parfois aidée par la kinésithérapie pour appendre les « bons gestes », est considérée comme la meilleure des préventions mais aussi des prises en charge des lombalgies, qui sont les maux de dos les plus fréquents. L’objectif est de mobiliser et de renforcer l’ensemble de la musculature qui soutient la colonne vertébrale, c’est à dire les muscles du dos, les abdominaux et les muscles profonds qui contrôlent la posture. La marche et le vélo sont par exemple des sports tout à fait indiqués, d’autant qu’ils font travailler le corps de façon symétrique (ce qui n’est pas le cas du golf ou des sports de raquette par exemple !) Des activités qui favorisent la mobilité des articulations et le gainage musculaire sont tout aussi recommandées, comme le stretching, le Pilates, le yoga dynamique, la danse ou la barre au sol.
Une ceinture lombaire est-elle utile ?
Le port d’une ceinture lombaire peut être utile dès lors que cela soulage effectivement une douleur, ou prévient son apparition. En effet, la ceinture est une sorte de garde-fou : elle réduit les mouvements susceptibles d’être douloureux et limite la cambrure du bas du dos. Elle permet aussi de soutenir la musculature du dos, et favorise un meilleur engagement des abdominaux. Il existe différents modèles de ceintures lombaires, selon leurs formes et leurs matériaux : les ceintures standards, ajustables, sont utiles lors de certaines activités physiques par exemple ou de longs voyages en position assise ; les ceintures de maintien abdominal faites sur mesure sont plutôt indiquées pour les personnes âgées qui souffrent de tassement vertébral dû à l’ostéoporose ; et enfin les corsets ou lombostats en résine sur mesure en cas de douleurs aigues. Dans tous les cas, c’est au médecin de vous diriger vers tel ou tel modèle en fonction de votre situation particulière, de vos douleurs et des activités à risques.
Qu’est-ce qu’une arthrodèse ?
Il s’agit d’une intervention chirurgicale visant à bloquer définitivement les articulations entre deux ou plusieurs vertèbres, le plus souvent des lombaires, en les fusionnant. L’objectif est de stabiliser cette région de la colonne vertébrale en position anatomique, c’est-à-dire en corrigeant une éventuelle déformation liée à une cyphose, une scoliose ou une arthrose importante par exemple. Pour cela, les vertèbres sont immobilisées grâce à des vis, des tiges et/ou des plaques métalliques, et le chirurgien procède par ailleurs à une greffe osseuse : une greffe pour remplacer le disque intervertébral enlevé et/ou des greffes entre les apophyses (les excroissances latérales et postérieures des vertèbres) afin de souder les vertèbres entre elles. Grâce aux progrès médicaux, la plupart des arthrodèses lombaires sont aujourd’hui réalisées par chirurgie mini-invasive : les incisions sont réduites au strict minimum, ce qui permet de diminuer le traumatisme musculaire, le risque de perte sanguine et les douleurs post-opératoires, d’où une récupération plus rapide. La suppression du mouvement sur des structures usées arthrosiques diminuent noblement la douleur.
En quoi consiste une cure thermale contre la lombalgie ?
Les stations thermales qui proposent des séjours spécifiques contre la lombalgie associent en général des ateliers permettant de se détendre (massages à l’eau, cataplasmes de boues chaudes, sophrologie…) et des activités spécifiques pour renforcer la musculature et ré-apprendre les bons gestes (ateliers sur les postures et l’ergonomie, exercices de gainage musculaire en piscine et/ou avec un kinesithérapeute…) Les plus sérieuses d’entre elles associent cela à un véritable programme d’éducation thérapeutique : l’objectif est de mieux comprendre l’origine du mal de dos, de repérer les mauvaises habitudes qui ont été prises pour combattre la gène et/ou la douleur et d’y remédier. La Haute Autorité de Santé signale que de telles cures peuvent être utiles pour des patients souffrant de douleurs chroniques, sans s’exprimer pour autant sur la véritable efficacité de cette approche qui, on le rappelle, est pris en charge par l’Assurance Maladie.
INTERVIEW
Pr Jean-Charles Le Huec, unité orthopédie-traumatologie-rachis CHU Bordeaux
« L’objectif, c’est 50 % des hernies discales lombaires opérées en ambulatoire »
Une hernie discale lombaire doit-elle toujours être opérée ?
Pr Le Huec : Non, il n’y que deux situations où la chirurgie s’impose. Il y a urgence lorsque le patient est atteint d’une paralysie et/ou d’une anesthésie très importante voire totale du bas du corps comme le syndrome de la queue de cheval. Par ailleurs, dans le cas d’une hernie contenue (lorsque le ligament intervertébral contient la hernie), si après 2-3 mois de traitements la douleur n’est pas soulagée, alors il faut opérer sans trop attendre sinon le nerf aura trop souffert, et il subsistera une douleur de type neuropathique même après l’opération. Par contre, les hernies exclues se résorbent en général d’elles-mêmes au bout de 3 à 4 mois, et deviennent asymptomatiques même si l’image IRM persiste temporairement.
Quelles sont les évolutions des techniques chirurgicales ?
Pr Le Huec : On opère désormais en mini-invasif, grâce à l’assistance vidéo ou l’endoscopie, et à un contrôle radiologique. La taille de l’incision (moins de 2cm) et l’agressivité des gestes ont été réduites, ainsi on ne lèse plus les muscles qui entourent les vertèbres. Les douleurs post-opératoires sont réduites et la récupération bien meilleure ! De sorte qu’environ 1500 patients par an sont opérés en ambulatoire, soit 10 % des cas en France. Avec le développement des services de chirurgie ambulatoire, cela pourrait concerner plus de 50 % des patients.
Propos recueillis par E. G.