Microbiote, grossesse et accouchement

Dossier paru dans Profession Sage-Femme n°244 –  avril 2018 /

Microbiote : quelle origine ?

Peut-on, décemment, enrichir le microbiote buccal et intestinal d’un bébé né par césarienne du microbiote vaginal de sa mère ? Quelles conséquences ce geste peut-il avoir ? Chez le bébé, ces bonnes bactéries sont-elles seulement acquises à la naissance ? Le foisonnement d’études scientifiques sur le sujet complexifie la donne.

 

Extrait :

 

Renforcer le microbiote des bébés nés par césarienne
Afin d’évaluer l’intérêt de l’ensemencement vaginal visant à renforcer le microbiote intestinal des bébés nés par césarienne, un essai clinique vient d’être lancé à Paris par une équipe de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Explications du gynécologue-obstétricien Jacky Nizard.

 

Quel contexte vous a mené à lancer cette étude ?
Les données scientifiques s’accumulent sur l’importance du microbiote intestinal pour notre santé. Des liens ont été mis en évidence entre sa composition et la prévalence des allergies ou des maladies métaboliques notamment. Par ailleurs, il a été démontré que la voie d’accouchement influence la diversité de ce microbiote dans l’enfance mais aussi vraisemblablement à l’âge adulte : elle est moins importante après une césarienne. Enfin, le taux de césarienne est en constante augmentation dans le monde. Si en France, il y a des efforts pour le faire baisser, il restera toujours nécessaire d’en pratiquer certaines. Il nous a donc semblé important d’évaluer une intervention visant à renforcer l’établissement du microbiote intestinal chez les enfants nés ainsi.

La pratique présente-t-elle un risque ?
Tant que nous n’avons pas apporté la preuve de l’intérêt de cette intervention, et surtout de son innocuité, elle ne doit absolument pas être mise en œuvre en dehors d’un strict protocole de recherche. En effet, ce n’est pas sans danger. Il y a des mères porteuses du streptocoque B, d’un herpès vaginal, d’une quelconque infection vaginale ou infection sexuellement transmissible sans que celle-ci soit forcément connue au moment de la naissance. Le risque de transmission à l’enfant est alors considérable.

Quel est votre protocole de recherche ?
La technique d’ensemencement vaginal permet-elle aux bébés nés par césarienne d’avoir une diversité du microbiote intestinal comparable à celle des bébés nés par voie basse ? Pour répondre, nous menons un essai clinique interventionnel en double aveugle randomisé, avec trois bras d’étude, qui portera sur 225 bébés au total. Le bras contrôle est constitué de 75 enfants nés par voie vaginale. Nous effectuons un prélèvement du microbiote maternel au niveau du périnée pendant le travail, puis dans le méconium du bébé et dans ses selles à l’âge d’un an. Pour les bras placebo et interventionnel, soit deux groupes, chacun de 75 enfants nés lors d’une césarienne programmée et à bas risque, chez des mères ne souffrant pas d’obésité ou de diabète traité par insuline, et n’ayant pas eu d’antibiotiques récemment, car ces femmes-là ont un microbiote altéré. Dans le groupe placebo, les bébés tètent deux écouvillons stériles dans l’heure qui suit leur naissance. Pour le bras interventionnel, même protocole mais avec des écouvillons qui auront d’abord été passés sur le périnée et dans le vagin maternel juste avant la césarienne. Dans ces deux groupes, un recueil de selles des bébés à l’âge d’un an sera effectué. Nous comparerons ensuite la composition des microbiotes à l’âge d’un an des enfants des trois groupes.

Comment la diversité du microbiote sera t’elle évaluée ?
Pendant longtemps, les études sur le microbiote intestinal ont été limitées parce que l’essentiel des bactéries qui le composent sont anaérobies et donc très difficiles à cultiver in vivo et à caractériser au laboratoire. Depuis quelques années, la métagénomique a révolutionné cela, combinant les avancées des techniques de séquençage à haut-débit et d’analyses des big data. La métagénomique consiste à séquencer toute l’information génétique contenue dans un échantillon complexe sans distinguer à quels organismes appartient l’ADN. « En vrac », ce dernier est analysé pour déterminer la diversité et le nombre de gènes qu’il contient, reflet de la diversité de sa composition en micro-organismes. Dans notre étude, l’ensemble des échantillons sera analysé et comparé avec cette approche. Nous demanderons aussi aux mères de compléter des questionnaires de santé sur leur enfant. Les premiers résultats ne sont pas attendus avant 2019.

Quelles sont les limites de votre protocole ?
Nous ne savons pas si le mode opératoire, via deux écouvillons tétés pendant une minute, permet d’apporter aux bébés un nombre suffisant de bactéries, si cela peut être comparable au passage de l’enfant à travers le vagin. Ensuite, bien que nous prévoyions d’étudier 225 couples mère-enfant, nous ne savons pas si cela sera suffisant pour distinguer l’impact de l’allaitement et des éventuels antibiotiques sur le microbiote des enfants. Mais nous l’espérons, car l’on sait que ces deux facteurs ont une influence importante.

 

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