Article paru dans « Profession sage-femme » n°241 – décembre 2017 /
Depuis la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST) de 2009, le champ de compétences des sages-femmes s’est élargi pour englober celui de la gynécologie préventive. Cela concerne toutes les femmes, de la puberté jusqu’à la ménopause, et même après puisqu’il n’existe pas de limites formelles quant à la surveillance post-ménopausique. Ces compétences s’exercent dans le périmètre de la physiologie, c’est-à-dire chez des femmes en bonne santé. « Aujourd’hui la moitié de ma charge de travail correspond à du suivi gynécologique, avec une proportion importante de femmes qui approchent de la ménopause. Je pense que cela va encore augmenter et cela me va bien. Cela correspond aussi à ma propre évolution, et à mon âge », témoigne ainsi Emmanuelle Toïgo-Pellat, 41 ans, libérale en Haute-Garonne.
Une demande croissante
Deux situations-types peuvent conduire une femme proche de la ménopause à consulter une sage-femme. Bien souvent, c’est pour “rattraper” un suivi gynécologique incomplet voire inexistant. En effet, 40 % des Françaises ne feraient pas de frottis cervico-utérin régulièrement. En cause, le manque d’information mais surtout un problème de démographie médicale : moins de 1100 gynécologues médicaux exercent en 2017 en France métropolitaine, soit 3,1 pour 100 000 femmes de plus de 15 ans ! Dix département n’ont plus de gynécologue médical et dix-sept n’en comptent qu’un… Par ailleurs la population est vieillissante : 62 % des gynécologues médicaux ont plus de 60 ans*. Une situation qui ne va donc pas s’améliorer.
« Beaucoup de patientes arrivent chez moi pour un simple frottis, explique Valérie Mouline, libérale à Pissos (Landes). Dans ma région, le délai pour un rendez-vous chez un gynécologue peut dépasser 3 mois. Par le bouche-à-oreille ou envoyées par leur médecin généraliste, les femmes apprennent qu’elles peuvent faire ça chez une sage-femme. Au détour de l’examen clinique, j’évoque avec elles la ménopause et des éventuels symptômes qui peuvent les gêner. Elles découvrent alors que je peux les aider. »
Autre point d’entrée important, la rééducation périnéale. « Dans ma ville, les médecins généralistes assurent le suivi gynécologique de leurs patientes. Ils me les adressent pour une rééducation périnéale lorsqu’il y a un problème avéré. Cela représente deux à trois patientes par semaine, raconte Stéphany Malek, qui exerce au pôle de santé de Groisy (Haute-Savoie). À cette occasion, je parle de leur suivi global et j’aborde aussi certaines questions comme la sexualité qu’elles n’osent pas toujours évoquer avec leur généraliste. » De fait, la plupart des sages-femmes insistent sur l’écoute et la prise en charge globale qu’elles proposent, qui diffèrent de celles des médecins qui insistent surtout sur les pathologies et n’ont pas toujours le temps de parler des symptômes ”banals” de la ménopause. En septembre dernier, un sondage BVA révélait ainsi que 3 Français sur 4 déclarent avoir déjà craint ou ressenti le jugement de leur médecin en raison de leur état de santé, d’un traitement auquel ils tentaient d’accéder ou d’une question qu’ils souhaitaient aborder. Une proportion plus importante encore chez les femmes…
Un phénomène naturel
La ménopause se définit par une aménorrhée depuis 12 mois consécutifs. À cause de la diminution puis l’arrêt de la production des hormones ovariennes, de nombreux symptômes peuvent apparaître. Ils sont d’intensité et d’apparition variables selon les femmes. Il s’agit de troubles climatériques (bouffées de chaleur, sueur nocturnes…), de modifications de l’élasticité et de la lubrification de la muqueuse vaginale, de variations de la libido et de difficultés à contrôler la vessie voire d’incontinence urinaire et/ou fécale due à un relâchement des fibres musculaires du périnée. D’autres manifestations moins spécifiques peuvent aussi apparaître : troubles de l’humeur, du sommeil, de la mémoire, perte d’élasticité et d’hydratation de la peau…
« La ménopause est un état physiologique dont certaines manifestations ne témoignent pas d’un état pathologique, insiste Isabelle Derrendinger, directrice de l’école de sages-femmes du CHU de Nantes et vice-présidente du Conseil National de l’Ordre des Sages-Femmes (CNOSF). Dans ce contexte, nous sommes parfaitement habilitées à les prendre en charge mais nous ne pouvons pas prescrire de traitement hormonal substitutif ou de bêta-alanine contre les troubles climatériques par exemple. En première intention, il est indispensable de rappeler aux femmes quelques conseils hygiéno-diététiques. » Concrètement, il s’agit de supprimer les excitants et l’alcool, en particulier le soir, d’arrêter le tabac « et l’accompagnement au sevrage tabagique fait partie des compétences de sages-femmes », rappelle I. Derrendinger, d’éviter sucres rapides et mets épicés le soir voire de fractionner l’alimentation dans la journée. « Plusieurs études ont montré que ces mesures hygiéno-diététiques peuvent avoir un impact sur les troubles climatériques et plus généralement sur l’état de santé des femmes. » On peut aussi leur conseiller d’adapter leur environnement de sommeil pour lutter contre les sueurs nocturnes : vêtements et literie en coton, abaissement de la température de la chambre… Enfin, « j’insiste sur la pratique d’une activité sportive, qui favorise le tonus musculaire, dont celui du périnée, diminue le risque d’ostéoporose, de maladies chroniques telles que le diabète ou l’hypertension et de cancers, rappelle t’elle. Aborder la sexualité dans ce moment particulier de la vie d’une femme qui doit faire le deuil de la maternité est aussi nécessaire. Leurs attentes dans ce domaine peuvent être très différentes d’une femme à l’autre, et des problèmes qu’elles peuvent rencontrer. »
La sage-femme doit ainsi évoquer des solutions pour traiter la sécheresse vaginale et réduire les douleurs lors des rapports sexuels : « toutes les femmes ne pensent pas à utiliser des lubrifiants. Lorsqu’il peut y avoir une gène à acheter ce genre de produits, je leur suggère l’huile de coco, un produit naturel, qui peut aussi être ludique et qu’elles peuvent trouver au rayon alimentaire, raconte Valérie Mouline. Sinon, je leur conseille des gels à base d’acide hyaluronique, d’aloe vera et de calendula, ou des ovules pour celles qui sont peu à l’aise avec l’utilisation d’une pipette vaginale. »
Certaines sages-femmes n’hésitent pas à se tourner vers les médecines complémentaires : homéopathie, phytothérapie, acupuncture, compléments alimentaires… Cependant, comme le rappelle I. Derrendinger, « elles n’ont pas toutes fait la preuve de leur efficacité et de leur innocuité au travers d’études scientifiques rigoureuses. Elles doivent donc être utilisés avec prudence. » Rappelons notamment que l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament déconseille les phyto-estrogènes, notamment les dérivés du soja, car leur efficacité n’a pas été démontrée et surtout, leur sécurité n’a pas été évaluée.