Article paru dans Recherche & Santé n°153 – La revue de la Fondation pour la Recherche Médicale – hiver 2018 /
La réalité virtuelle comme outil thérapeutique
Depuis quelques années, grâce au développement de casques plus accessibles et faciles à utiliser, la réalité virtuelle a fait son entrée les laboratoires de recherche et dans les hôpitaux. Les domaines d’applications sont nombreux, mais demandent à être validées scientifiquement.
Qu’est ce que la réalité virtuelle ?
C’est un ensemble de technologies permettant d’immerger un utilisateur dans un monde numérique, calculé par un ordinateur : par exemple un jeu vidéo, la visite d’un musée… L’outil le plus fréquemment utilisé pour visualiser ces mondes est un casque qui occulte complètement les yeux et couvre ainsi l’ensemble du champ visuel. Le casque est équipé de capteurs pour mesurer les mouvements de la tête : cela permet à l’utilisateur de déplacer son regard de haut en bas, de droite à gauche et devant-derrière dans l’univers virtuel, voire de s’y déplacer. On peut y associer des écouteurs ou des objets connectés comme des gants pour augmenter le niveau d’immersion.
Outre son aspect ludique, la réalité virtuelle est aujourd’hui très utile pour l’entraînement des sportifs de haut-niveau ou des pilotes d’avion par exemple. Elle est aussi un outil intéressant pour les thérapies cognitives et comportementales (TCC)*.
Pour soigner les phobies
Exposer progressivement un patient à la situation qui le stresse pour l’en soigner est une technique utilisée par les psychiatres depuis longtemps. Mais parfois, cela peut être très compliqué et/ou coûteux à mettre en œuvre ! D’où l’intérêt de la réalité virtuelle qui permet de placer l’utilisateur dans une situation fictive dont le thérapeute contrôle l’ensemble des paramètres pour gérer le niveau de stress du malade, et qui peut être stoppée à tout moment.
En France, plusieurs services hospitaliers l’utilisent déjà pour traiter la phobie de l’avion, des araignées ou de la foule par exemple. Grâce au casque d’immersion, le patient est placé dans la situation qui l’effraye. Le médecin peut à tout moment l’accompagner en lui parlant : il l’aide à gérer son stress, à objectiver son ressenti et le rassure. Une séance après l’autre, le palier de difficulté peut être augmenté.
Mais la réalité virtuelle n’est pas suffisante à elle seule pour traiter une phobie : d’autres outils de TCC doivent être mis en œuvre conjointement, tels que la relaxation ou des techniques de gestion du stress.
Plusieurs équipes de recherche travaillent à la mise au point d’univers virtuels et de scénarios les accompagnant pour traiter différentes phobies. Grâce à la démocratisation des casques de réalité virtuelle et à la chute des prix, les psychiatres libéraux pourront s’équipés à leur tour et proposer à leurs patients des approches validées scientifiquement.
Pour traiter le stress post-traumatique
Comme pour les phobies, la réalité virtuelle est un outil qui peut être très utile pour prendre en charge les personnes atteintes de stress post-traumatique. Elle permet en effet de recréer la situation traumatisante, accident de voiture, catastrophe naturelle, attentat… et d’y placer le patient tout en l’accompagnant par des techniques de relaxation et d’objectivation du stress. En France, plusieurs études sont en cours pour traiter des soldats de retour de mission ou bien des personnes âgées qui n’osent entreprendre une rééducation après une chute invalidante. L’objectif est de « retravailler » le souvenir pour le délester de sa charge émotionnelle.
Pour atténuer la douleur
Plusieurs centres hospitaliers, à Lyon et au Mans notamment, testent l’intérêt de la réalité virtuelle pour atténuer la douleur des patients pendant certains soins comme une ponction lombaire. Concrètement, les patients s’immergent dans une situation très agréable grâce au casque : plongée sous-marine, balade champêtre… Pendant ce temps, les soignants font leur travail en utilisant moins de produits anesthésiants. Objectifs : diminuer les effets secondaires, améliorer le vécu des patients et potentiellement les coûts. Des études sont menées pour évaluer l’intérêt de certains scénarios de réalité virtuelle pour soulager sans risque les douleurs chroniques ou pendant un accouchement.
Pour prendre en charge les maladies neurodégénératives
Une équipe du laboratoire Neuroscience Paris-Seine travaille sur un scénario de réalité virtuelle permettant de diagnostiquer la maladie d’Alzheimer. Aujourd’hui, ce diagnostic repose sur des tests cliniques et biologiques parfois lourds à mettre en œuvre. Là, grâce à la réalité virtuelle, les patients sont placés dans un labyrinthe comportant des indices visuels à mémoriser pour pouvoir progresser. Les chercheurs espèrent que l’analyse des performances spatio-temporelles des patients permettra de poser un diagnostic fiable, de quantifier l’évolution de la maladie et de proposer un outil thérapeutique pour la ralentir. Par ailleurs, en Europe comme en Israël, plusieurs équipes évaluent l’intérêt de la réalité virtuelle couplée à un tapis de marche pour améliorer l’équilibre et la motricité de personnes atteintes par la maladie de Parkinson. Ce dispositif permet en effet de varier les situations motrices dans un environnement qui demeure sécurisé.
* Les TCC sont « des thérapies brèves qui visent à remplacer les idées négatives et les comportements inadaptés par des pensées positives et des réactions en adéquation avec la réalité » (définition du Psycom, organisme public d’information, de formation et de lutte contre la stigmatisation en santé mentale).