Tabacologie : des pratiques diversifiées

Septembre 2014 –  Profession Sage Femme /

Cela fait dix ans maintenant que les sages-femmes ont acquis le droit de prescrire des traitements substitutifs nicotiniques, et les formations de tabacologie sont de plus en plus nombreuses. Pour autant, on constate des profils d’exercice très différents dans l’accompagnement des parturientes fumeuses. Le paysage de la tabacologie périnatale se cherche encore…

« La France est le pays d’Europe où les femmes enceintes fument le plus. L’objectif, c’est zéro tabac pendant la grossesse » a rappelé Marisol Touraine en mai 2013 lors de la Journée mondiale sans tabac. En effet, 36 % des Françaises fument au début de leur grossesse et 20 % continuent jusqu’à l’accouchement, soit autour de 160 000 femmes par an. En face, « il y a environ 150 femmes sages-femmes titulaires d’un DU de tabacologie, témoigne Conchita Gomez, présidente de l’Association des sages-femmes tabacologues de France depuis sa création en 2005, suite à la Conférence de consensus grossesse et tabac. C’est très peu compte tenu des besoins ! » Pour lutter contre ces statistiques inquiétantes, l’arrêté du 12 octobre 2005 (modifiant l’arrêté du 23 février 2004) a octroyé aux sages-femmes le droit de prescrire des traitements substitutifs nicotiniques (TNS) à leurs patientes. Ainsi toutes les sages-femmes peuvent prendre en charge les femmes enceintes qui souhaitent se sevrer du tabac. Mais toutes le font-elles dans leur pratique quotidienne ? Pas si sûr, c’est pour cela que se développe de plus en plus la spécialité de sage-femme tabacologue. S’il existe aujourd’hui plusieurs formations reconnues et certifiantes de tabacologie qui sont accessibles aux sages-femmes (DU et DIU), un problème de taille demeure : « les consultations de tabacologie par une sage-femme ne sont pas cotées spécifiquement, ce qui constitue sûrement un frein dans la prise en charge des patientes », estime Catherine Meier, sage-femme tabacologue dans l’Unité de tabacologie du centre hospitalier de Pau (64).

Côté formation, on distingue deux types de parcours pour celles qui accompagnent des femmes enceintes dans leur sevrage tabagique. Certaines ont suivi des formations délivrées au sein de l’hôpital où elles exercent, notamment par les réseaux sans tabac (RST) ou encore par le réseau de l’Association Périnatalité Prévention Recherche Information APPRI-Maternité sans tabac. Les autres ont suivi des DU ou DIU lorsque ceux-ci se sont ouverts aux sages-femmes il y a une quinzaine d’années. Les motivations sont diverses : « Je ne supportais plus l’impuissance des sages-femmes face la détresse des femmes enceintes qui se sentent extrêmement coupables de fumer mais qui ne parviennent pas à arrêter seules », confie Claire Travers, cadre sage-femme à la maternité de Châteaudun (28), alors que d’autres comme Catherine Meier ou Claudette Pelle, sage-femme tabacologue dans l’Unité de tabacologie du CHU de Grenoble (38) ont plutôt envisagé cela comme un moyen d’évoluer dans leurs pratiques, de donner un nouvel élan à leur parcours professionnel.

Une spécialité disparate

En pratique, on constate une très grande hétérogénéité des pratiques. « J’exerce la tabacologie essentiellement au cours des consultations classiques de suivi de grossesse, raconte Claire Travers. Simplement, pour mes patientes fumeuses, j’ajuste le rythme de consultations, j’ai tendance à les voir toutes les 3 semaines au lieu d’une fois par mois. J’ai l’impression que c’est plus efficace ainsi, on se concentre sur la santé du bébé, et le relationnel avec les patientes est de meilleure qualité. Lorsqu’on les adresse à une consultation de tabacologie pure, il y est rare qu’elles s’y rendent. » D’autres partagent leur activité, comme Eve Caillot : « je passe environ 30 % de mon temps en consultation de tabacologie dans le service d’addictologie de l’hôpital où je ne reçois que des femmes enceintes, accompagnées éventuellement de leur conjoint. Puis 20 % à la maternité, en entretien prénatal précoce au cours duquel j’insiste beaucoup sur la question du tabac. Enfin, 50 % de mon temps est consacré à la permanence d’accès aux soins de santé : je fais du suivi de grossesse pour des femmes en situation d’extrême précarité (SDF, demandeurs d’asile, roms…). Ces deux dernières activités me permettent en quelque sorte de “recruter” des patientes pour la consultation de tabacologie ! » Certaines enfin, très peu nombreuses, ont passé le cap, quitté le domaine exclusif de la périnatalité pour n’exercer plus que dans celui de l’addictologie, comme Catherine Meier ou Claudette Pelle. Elles partagent leur temps entre la maternité et le service d’addictologie de leur hôpital. Elles y reçoivent des femmes enceintes, mais pas que, qui viennent adressées par l’hôpital ou bien de l’extérieur. Toutes deux tiennent aussi une consultation dédiée dans le cadre d’un parcours de procréation médicalement assistée.

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