« En France, on ne vieillit pas plus mal qu’ailleurs »

Sciences & Avenir – juin 2012
Entretien avec Olivier Saint-Jean, chef du service de gériatrie de l’Hôpital Européen Georges Pompidou.

On vieillirait moins bien en France que dans les autres pays européens nous dit une nouvelle étude européenne coordonnée par l’Inserm. Alors que les Suédois et les Bulgares passent près de 90 % de leur vie en bonne santé, cette proportion tombe à 79 % pour les Français ou les Hongrois. Derrière ces étranges disparités, une étude à la méthodologie plus que contestable.

 

Que révèle cette étude sur le vieillissement des Européens ?
Les chiffres laissent penser que c’est dans les pays où l’espérance de vie est la plus longue que l’on observe aussi la plus importante espérance de vie sans incapacité (EVSI), que certains résument un peu vite par « espérance de vie en bonne santé». En 2010, la Suède a l’EVSI la plus longue (71,7 ans) et la Slovaquie la plus courte (52,3 ans). La proportion des années vécues sans incapacité est également la plus forte en Suède (90 %) et la plus faible en Slovaquie (73 %).
En réalité, il existe des situations paradoxales : en Allemagne et France, l’espérance de vie totale est forte mais l’EVSI faible. Ce que les auteurs commentent par « dans les pays où l’espérance de vie est déjà élevée, les gains d’années de vie se font aux âges les plus élevés, donc lorsqu’on est en moins bonne santé.”

Comment expliquer ces disparités ?
En s’interrogeant sur la méthodologie employée ! Si les données concernant l’espérance de vie sont fiables et comparables entre pays (c’est la moyenne des âges de décès observés), c’est tout le contraire pour celles sur l’EVSI. Elles résultent d’une question : « dans quelle mesure avez-vous été limité depuis au moins six mois, à cause d’un problème de santé, dans les activités que les gens font habituellement ?” posée à un échantillon de population tout âge confondu. Ce sondage est une initiative de l’Union Européenne qui souhaite améliorer le niveau de santé des Européens et a besoin d’indicateurs pour mesurer cela. Or les réponses à cette question sont trop subjectives et soumises à des variations culturelles importantes. On l’a bien vu lorsqu’on a interrogé les Européens sur leur bonheur ressenti il y a quelques années. À situation équivalente, les réponses entre cultures diffèrent profondément.

D’autres indicateurs pourraient ils être utilisés ?
Bien sûr, par exemple en France le nombre de personnes âgées bénéficiaires de l’aide personnalisé à l’autonomie (APA) ou la moyenne d’âge des pensionnaires des maisons de retraite ou des services de gériatrie sont des critères plus pertinents pour évaluer le bien-vieillir. Depuis quelques années ils indiquent clairement un gain de qualité de vie et d’autonomie pour les seniors. Alors que cette étude européenne semble dire qu’en France on vieillit moins bien qu’ailleurs. C’est regrettable que l’Union Européenne réalise des études à la méthodologie contestable alors qu’elle pourrait concentrer l’effort financier sur des études plus rigoureuses ou sur les politiques de promotion de l’autonomie des personnes âgées.

S&A_vieillir©Gillet

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