Les interprètes dans les maternités

Octobre 2017 / Profession Sage-Femme

Par manque de financement spécifique, le recours aux interprètes professionnels en maternité est très hétérogène en France, au mépris parfois du respect de l’autonomie et de l’intimité des femmes. Grâce à une réflexion collective, et avec l’aide d’associations spécialisées, certains établissements ont pourtant réussi à mettre en place une vraie offre de soins pour les patientes ne parlant pas français.

« L’interprétariat médical garantit aux personnes peu ou non francophones les moyens d’expressions afin qu’elles puissent se poser comme sujets autonomes, visant ainsi leur égal accès aux droits aux soins. » Cette définition figure dans la Charte de l’interprétariat médical et social professionnel en France, adoptée par les professionnels du secteur en novembre 2012. Mais elle est loin d’être une réalité aujourd’hui dans les maternités françaises, où la place donnée aux interprètes, quand elle existe, est largement insuffisante au regard des besoins.

D’où viennent ces femmes ?

En France, le recours aux interprètes en milieu hospitalier s’est imposé à partir des années 1980 avec la prise en charge de patients parlant peu ou pas français et atteints notamment de tuberculose ou d’infection à VIH. Il n’a fait qu’amplifier depuis, avec les différentes crises migratoires. Dans les maternités, les sages-femmes ont identifié deux types de patientes : « il y a celles installées en France depuis plusieurs années, originaires du Maghreb, de Turquie ou de Roumanie, qui ne travaillent pas et vivent au sein de leur communauté : elles ne parlent pas français et dépendent de leurs maris pour cela. Et puis il y a les femmes en situation extrêmement précaire, des réfugiées politiques, des migrantes qui viennent de Syrie et d’Irak le plus souvent », raconte Valérie Bechadergue, sage-femme à l’Hôpital Nord de Marseille. Dans d’autres régions, les maternités reçoivent aussi des femmes venant de Lybie, d’Afrique Noire et d’Europe de l’Est (Kosovo, Albanie, Tchétchénie…)

« Environ deux tiers d’entre elles viennent d’elles-mêmes, un peu au dernier moment ou parce qu’elles ont un problème de santé. Parfois elles ont entendu parler de nous par d’autres femmes. Elles sont en très grande précarité, et on découvre leur situation à la dernière minute, explique Anne Lerognon, sage-femme au CHRU de Strasbourg. Le tiers restant nous est adressé par des structures sociales, des médecins qui s’occupent des migrants, ou des associations comme Médecins du Monde. Elles sont en général suivies depuis quelques temps, et on dispose d’un peu plus d’informations sur leur parcours. »

Du système D au service payant

La plupart des sages-femmes interrogées reconnaissent faire appel, dans les situations les plus courantes, « aux personnes qui accompagnent ces femmes, leur famille ou amies, en évitant quand même, lorsque c’est possible les enfants », témoigne Fella Tahri, de l’hôpital de la Conception à Marseille. « Parfois on se débrouille avec d’autres patientes dans les chambres voisines qui parlent la même langue », ajoute sa collègue de l’hôpital Nord. Quand ça devient un peu plus compliqué, elles se tournent vers les ressources en interne : « Nous avons la chance à l’AP-HM d’avoir beaucoup de personnels qui parlent d’autres langues », précise Fella Tahri. Comme dans beaucoup d‘autres maternités, la direction a établi une liste officielle de personnes travaillant dans l’établissement qui peuvent servir d’interprètes. Irène Ordas, infirmière de pré-admission à la maternité du CHU de Bordeaux est l’une d’entre elles, elle parle espagnol et italien : « mais je ne suis pas toujours disponible au moment où on m’appelle. Entre deux consultations, je rends parfois service au pied levé. Il arrive aussi qu’on se fixe un rendez-vous avec la sage-femme, par exemple pour préparer la sortie d’une patiente. Mais je rencontre deux problèmes : soit j’ai face à moi une femme qui parle bien l’italien ou l’espagnol mais moi je ne maîtrise pas suffisamment le vocabulaire médical pour traduire correctement, soit il s’agit par exemple de Roumaines ou d’Albanaises qui sont passées par l’Italie ou l’Espagne avant d’arriver en France, et qui parlent à peine la langue, l’échange est très limité. »

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