Article paru dans le hors-série 60 Millions de Consommateurs n°130S “Compléments alimentaires” automne 2019 /
Les études montrent que nos habitudes alimentaires ne nous permettent pas toujours de couvrir l’ensemble de nos besoins nutritionnels. Mais se supplémenter n’est pas toujours la bonne solution.
« Cinq fruits et légumes par jour, moins de sucre, de viandes et de charcuteries, plus de poissons gras, de céréales complètes et de légumes secs… » Qui n’a jamais entendu ces recommandations alimentaires, émises par le biais du Programme National Nutrition et Santé (PNNS) ? Il s’agit de conseils simples et clairs, pensés par des experts scientifiques, afin que ce que nous mangions chaque jour apporte à notre organisme tout ce dont il a besoin pour fonctionner correctement. Pour autant, rares sont ceux qui arrivent à honorer systématiquement ce contrat alimentaire ! Il peut exister des écarts plus ou moins importants, en quantité comme en durée. Il est tentant alors de se tourner vers les compléments alimentaires pour répondre plus facilement à nos besoins nutritionnels.
Ainsi, les Français sont de plus en nombreux à se supplémenter plus ou moins régulièrement. D’après la dernière étude Individuelle Nationale de Consommations Alimentaires (INCA3) menées sous l’égide du Ministère de la Santé : « le taux de consommateurs de compléments alimentaires a progressé d’environ 50 % entre 2006-2007 et 2014-2015, aussi bien chez les enfants que chez les adultes. » Plus précisément, sur la période étudiée la plus récente, soit 2014-2015, « le taux de consommateurs de compléments alimentaires, au sens réglementaire, est de 22 % chez les adultes (18 à 79 ans) et de 14 % chez les enfants (3 à 17 ans). Sur la base d’une définition plus large incluant les médicaments sources de nutriments, ces taux sont respectivement de 29 % et 19 %. »
Distinguer les situations
Face à ces chiffres, on est enclin à se demander si près d’un tiers des adultes et un cinquième des enfants ont réellement besoin de se supplémenter ? Sommes-nous si nombreux à souffrir de déficiences nutritionnelles ? Pour y répondre, il faut d’abord savoir de quoi on parle. On parle d’insuffisance d’apports lorsque la consommation alimentaire ne permet pas de couvrir les apports nutritionnels conseillés (ANC). En d’autres mots, lorsque nous n’ingérons pas assez de macronutriments (glucides, lipides et protéines) et/ou de micronutriments (vitamines, minéraux et oligoéléments).
Le terme de déficience nutritionnelle correspond lui à une situation bien différente : il est utilisé lorsqu’il existe un réel déficit au niveau de l’organisme lui-même, qui peut notamment être constaté grâce à des examens sanguins. « Cette déficience peut s’expliquer par des apports nutritionnels insuffisants sur le long terme, mais ce n’est pas la seule origine possible », souligne Benjamin Allès, chercheur dans l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN, Inserm, Inra, Cnam, Université Paris 13). Certaines pathologies comme l’alcoolisme, les infections intestinales aigues ou la maladie de Crohn peuvent en effet perturber l’absorption des nutriments par l’organisme. « Des traitements médicamenteux peuvent aussi être en cause, comme certaines chimiothérapies anticancéreuses », précise t’il. Ces problèmes de malabsorption peuvent concerner tous les nutriments, ou seulement certains.
Enfin, on parle de carence nutritionnelle lorsque l’état de déficience s’accompagne de signes cliniques évidents. C’est par exemple le scorbut, dû à une déficience en vitamine C, qui se manifeste notamment par le déchaussement des dents, la purulence des gencives et des hémorragies qui peuvent conduire à la mort. On peut aussi citer l’anémie ferriprive, où la fatigue extrême, les maux de tête, la frilosité, et/ou la diminution des facultés intellectuelles sont les conséquences d’une grave déficience en fer. Quant à la carence en iode, elle se traduit par une fatigue importante, des douleurs musculaires et digestives, et un dysfonctionnement de la thyroïde qui conduit à la formation d’un goitre.
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