Tout n’est pas beau dans le bio

Article paru dans le hors-série 60 Millions de Consommateurs n°199 “Le meilleur du bio” été 2019 /

Environnement, santé, économie… L’alimentation bio nourrit beaucoup d’espoirs, mais ne fait-elle réellement que du bien à notre corps et à notre planète ?

En l’espace d’une vingtaine d’années, les aliments bio se sont imposés dans nos assiettes. Plus question d’y voir un simple phénomène de mode. Preuves en sont les chiffres de l’Agence BIO, un groupement d’intérêt public qui dresse chaque année un état des lieux : en 2018, plus de 9 Français sur 10 déclarent avoir consommé des produits bio. Près des trois quarts en mangent au moins une fois par mois, et 12 % tous les jours. Un engouement visible aussi au niveau économique : en 2017, les Français ont acheté pour plus de 8 milliards d’euros de produits alimentaires bio, c’est 17 % de plus qu’en 2016.

Comment expliquer ce succès du bio ? Par les espoirs qu’il fait naître, sans aucun doute. Mais il faut alors rappeler que l’agriculture biologique doit répondre à une obligation de moyens et non de résultats. Lorsque le label européen Eurofeuille – représentant une feuille étoilée sur fond vert – est apposé sur un produit, cela certifie que son producteur n’a pas utilisé de pesticide ou d’engrais chimiques pour les cultures, ou a respecté une alimentation bio pour ses animaux d’élevage avec un recours limité aux traitements vétérinaires et un respect du bien-être animal. Pour autant, ce label ne garantit en aucun cas que le produit soit inoffensif pour l’environnement  ou meilleur pour la santé. Le bio a ses limites, voire ses failles, et il est important de les connaître pour acheter et consommer en toute conscience. 

Sans chimie mais pas sans produits

Produire sans chimie de synthèse, c’est l’argument n°1 de l’agriculture biologique. Avec en ligne de mire, la volonté de protéger l’environnement. Ces objectifs sont en parti atteints : d’après une étude suisse parue en 2012 dans PNAS, les sols cultivés en agriculture biologique renferment 40 % de vie en plus que ceux en agriculture conventionnelle !

Mais bio ne signifie pas sans pesticide ni engrais. Certaines substances dites « naturelles » sont parfaitement autorisées, notamment la bouillie bordelaise qui contient du cuivre, pour combattre des champignons comme le mildiou, l’huile de neem (un arbuste tropical) très efficace contre certains insectes dont les bourdons, ou encore des engrais à base de sang de bœuf séché ou de guano, très riches en azote. L’origine naturelle de ces substances ne garantie en aucun cas leur innocuité ! C’est d’ailleurs à ce titre que la Commission Européenne s’est interrogée récemment sur la suppression de la bouillie bordelaise en agriculture bio, même si pour l’instant elle n’a pas encore osé sauter le pas.

Attention au bilan carbone !

Les pionniers du biologique envisageaient leur démarche comme un tout, en opposition au développement de l’agrobusiness : ils se sont engagés pour un retour à des exploitations à taille humaine, des parcelles réduites et des rotations de cultures, le respect des sols, des zones humides et des haies naturelles… Mais la demande des consommateurs s’est développée à une telle vitesse que certains producteurs n’hésitent à appliquer au bio  les recettes de l’intensif : monoculture sur d’immenses parcelles, labourage excessif qui détruit la microfaune des sols et utilisent des engins motorisés polluants, sans compter qu’il faut plus de main d’œuvre et de surface pour produire en quantités équivalentes. Une étude internationale publiée en décembre dernier dans la revue Nature alerte sur le fait que ce besoin en terres supplémentaires accélère la déforestation et provoquerait donc un relargage de CO2 plus important dans l’atmosphère. Or le CO2 est l’ennemi n°1 du climat. 

Autre point noir dans le bilan carbone du bio, la mondialisation. Manger des fraises en hiver, ou des avocats tous les jours n’a aucun sens écologique même s’ils sont bio ! Les produits hors saison et/ou qui viennent de loin, à cause de leur mode de production, de conservation et de transport qui font majoritairement appel aux énergies fossiles, ont un bilan catastrophique pour l’environnement. Or d’après l’Agence BIO, en 2017, 60 % des fruits bio et 30 % des légumes bio consommés en France étaient importés ! Et avec l’engouement pour les produits exotiques comme les agrumes et les fruits tropicaux, la tendance n’est pas à la baisse. 

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